Parcours d’un combattant de l’ombre
Jacques Rollet est né à Montaiguët-en-Forez le 27 décembre 1917. Très tôt, il aide son père Jean, charpentier, dans le village de Chez Paillet.
Le 4 novembre 1938, il est incorporé au 60ème régiment d’infanterie pour effectuer son service militaire.
Lorsque l’Allemagne envahit la Pologne le 1er septembre 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne le 3 septembre.
Jacques Rollet est démobilisé le 6 août 1940.
L’entrée en résistance
Son frère René est réquisitionné pour le Service du Travail Obligatoire (STO) et envoyé en Allemagne. Jacques, refusant de partir, entre dans la clandestinité. Le 3 mai 1943 un emploi dans les mines de Bert et de Montcombroux-les-Mines (Allier) lui sert alors de couverture pour ses premiers pas dans la Résistance.
Très vite il rejoint le Maquis de Loddes, Barrais-Bussolles avec pour compagnon d’armes Antoine Buffet (1912 1983) qui recevra en 2005 à titre posthume la Médaille des Justes parmi les Nations.
Du 15-2 au groupement Roussel.
Le 11 novembre 1942, les Allemands envahissent la zone libre. Le 152ème régiment d’infanterie, dont le 3ème bataillon est commandé par le colonel Colliou et basé à Lapalisse (Allier), est dissous.
Le 21 février 1943, le colonel Colliou reçoit clandestinement le commandement du 152ème régiment.
Le 1er mars 1943, un mandat d’arrêt est lancé contre lui. Il devient alors « Roussel » et organise la Résistance en fédérant les groupes existants de la région, dont celui dirigé par Alice Arteil (1912 1995).
Le Commandant Marcel Colliou et l’un de ses gardes du corps, « Popy », en conversation devant le perron du PC (Lenax 03 Château des Boirots) – Musée Machelon Gannat.
Les groupes francs sortent de l’ombre, un train déraille dans le tunnel de La Pacaudière dans la nuit du 18 au 19 juin 1944.
Extrait du carnet d’Alice Arteil :
« Depuis quelques jours, je savais, par le lieutenant-colonel Roussel (Colliou), que cette opération était en projet. Il s’agissait d’obstruer la voie ferrée Lapalisse- Roanne dans le tunnel du Crozet.
Le 18 au matin, je reçois l’ordre de mettre des éléments de mon Groupe en renfort de résistants de la Pacaudière. Je vais de suite à Arfeuilles pour organiser le dé placement et le regroupement des jeunes. Avec Louis Brandon, je me rends dans l’après-midi à la Pacaudière.
A la ferme Perrichon, à proximité du hameau de Villoson, nous trouvons Robert Lion (réseau Acolyte), Joseph Ronckar (Roger le Luxembourgeois) et un Alsacien (Robert). Jean Carlier, Louis Groslier, Louis Pers et Guy Bardet, depuis leurs différentes « caches » doivent rejoindre le lieu-dit « Berger » (2 km au nord de Crozet), à 22 heures.
L’opération est montée à la ferme Perrichon.
– Un groupe composé de « Robert », J. Ronckar et Mr Tachon (résistant de la Pacaudière) s’occupera de miner le rail sous le tunnel vers 23 heures, puis il s’évanouira dans la nature. -Le reste, c’est-à-dire : Lion, G Bardet, Groslier, J Carrier, L Brandon et quatre résistants locaux, a pour mission de faire stopper le train avant le tunnel, de faire descendre les cheminots et de remettre le train en marche.
A 23 heures, tous les éléments sont en place. R Lion place les pétards d’avertissement à environ 2,5 km de l’entrée du tunnel, côté Lapalisse et rejoint les neuf autres hommes qui, armés de revolvers et de mitraillettes doivent faire descendre les cheminots ainsi que les personnels des gardes-communications qui pourraient se trouver dans le train. Ils doivent également faire face en cas d’événements imprévus.
Vers 0 heure 15, un bruit sourd annonce l’arrivée d’un train provenant de Lapalisse. La coordination a été parfaite entre les autorités ferroviaires et la Résistance. Tout se passe très vite. Les pétards (2 coups) fonctionnent et le convoi ralentit puis s’arrête.
R Lion et G Bardet montent sur la locomotive et expliquent aux deux cheminots de quoi il s’agit. Ils comprennent d’ailleurs de suite et descendent, non sans avoir proposé de remettre eux-mêmes le train en route. Mais c’est R Lion qui s’en charge. Le reste des hommes est en surveillance et protection sur les bas-côtés de la voie.
Dès que le train repart, tout le monde se disperse, alors que se produit l’explosion suivie par un bruit prolongé de ferrailles qui se fracassent. Les cheminots rejoignent la gare la plus proche. R Lion rentre à la ferme Perrichon. Les résistants locaux rejoignent leur foyer et les éléments du Groupe Alice se replient dans la Montagne bourbonnaise. »
Un dépôt de munitions est attaqué à Jaligny, pendant que des parachutages d’armes ont lieu près de Montaiguet à Loddes.
Jacques Rollet rejoint le groupement Roussel le 6 juin 1944.
Il prend dès lors le nom de guerre « Jacob » et est affecté au groupe Durif.
Le groupement Roussel harcèle les arrières d’une colonne allemande forte de 18 000 hommes, commandée par le général Elster, en repli vers l’Alsace.
Il est présent lors des parachutages d’armes qui ont lieu les 5 et 6 août 1944 au Méchins à Loddes, il participe aux actions armées de Contresol, Dompierre et Decizes et à celles de Diou, Trezelles et Moulins comme le confirme le Colonel Colliou.
Le 26 près de Contresol au Donjon, une dizaine de maquisards du Groupe Didier tendent une embuscade aux Allemands qui se replient en direction de Digoin tuant l’un d’entre eux et faisant de nombreux blessés.
« Le temps des Passions -L ’Allier dans la guerre », Jean Débordes-De Borée-2005—Pages 116 et 117
Résistants attablés, près de Loddes 03 : fond Gabriel Séruzier, musée Machelon, Gannat
« Le 27, une voiture légère du Groupe, conduite par J Ronckar, avec à son bord Alice (chef de voiture) et deux volontaires, débouche de la sortie nord de Trezelles (Allier), FM prêt à tirer par le pare-brise ouvert et fanion bleu-blanc-rouge au vent, sur un fort élément allemand tenant un carrefour. Cette troupe était à l’arrêt, de part et d’autre de la route de Jaligny. Il n’y avait pas de barrage matériel, la seule solution est de foncer. La voiture est criblée de balles, le réservoir d’essence troué. Par bonheur aucune victime parmi les passagers. J Ronckar parvient à sortir de cette passe dangereuse et emprunte un chemin transversal où le véhicule est abandonné, réservoir vide. Les rescapés renseignent le capitaine Durif qui monte immédiatement une action sur cet élément… et Alice est menacée par Roussel de huit jours d’arrêt pour être allée trop loin dans ses patrouilles.
« Maquisards et Résistants 40-45 » D P Est Allier-Juin 2022 Michel Jallat-André Meunier Pages 21 et 22.
Jacques ROLLET est promu au grade de caporal le 29 septembre 1944. Sa nomination officielle a lieu probablement le lendemain 30 septembre, lors de la première prise d’armes de la Brigade Roussel (nouvelle appellation du groupement) près de Lamarche-sur-Saône, en Côte-d’Or. Ce jour-là, le colonel Mortier, dit Fayard, remet également la croix de guerre à Alice Arteil.
Les combats de la 1ère Armée.
A la fin de septembre et dans le courant d’octobre, les groupes de Résistants, dont le groupe Alice, sont progressivement rattachés à la 1ère Armée, c’est « l’amalgame ».
Du 14 au 18 novembre 1944 débutent les combats des Boucles du Doubs, avec son régiment le 152ème RI, ils affrontent la dernière ligne de résistance allemande avant la trouée de Belfort, le Régiment d’Auvergne et le R.T.S. ont en face d’eux, 2 bataillons d’infanterie appuyés par une dizaine de blindés et un groupe d’artillerie. Malgré la résistance acharnée, les mines, le froid et la neige, les villages de Lucelans et Villars sous Écot sont pris à l’ennemi qui bat en retraite et n’a pas le délai suffisant pour se réorganiser. Tout son dispositif au Sud de Belfort est crevé, la route de l’Alsace est ouverte.
Le 26 novembre 1944, Jacques Rollet est grièvement blessé en forêt de Seppois lors d’une percée allemande. Laissé pour mort sur le champ de bataille, il est récupéré quelques heures plus tard lors de la contre-offensive française, au cours de ce que l’on appellera les combats de l’Oberwald.
Récit carnet Alice Arteil :
« 26 – Nous partons à 9h pour aller rejoindre Rechésy, le P.C.du Col. Le voyage fut un supplice : convois de renforts et ambulances emmenant les blessés, il y a eu beaucoup de casse, quantité de petits copains ne sont plus, pour le régiment, il y a au moins 200 pertes pour la défense de la route Réchésy-Delle. L’artillerie française harcèle les restes des boches anéantis, leurs derniers chars se trouvent dans cette poche. Dans la journée, ils ont reçu plus de 600 obus. Nous nous installons au P.C de Réchésy et passons une assez bonne nuit, au moins il ne fait pas froid.
27- Ce matin, nous partons à 9h pour Seppois où nous devons nous reposer quelques jours. Le 3ème Bataillon est relevé, relève méritée et chèrement gagnée. Avec joie, nous avons retrouvé ce qui reste de la 9ème Cie et dans quel état de fatigue morale et physique les avons-nous trouvés. »
Miraculeusement sauvé, il est néanmoins gravement blessé par une balle qui lui explose le genou. Rapatrié vers l’arrière pour y être hospitalisé, il termine ainsi prématurément sa campagne de libération de la France. Pour cet acte de bravoure, il est cité le 1er août 1945 à l’ordre du corps d’armée du 3ème bataillon du 152ème RI. Le précieux document est cosigné par le chef de bataillon De Sagazan et certifié par le Colonel Colliou, il reçoit la Croix de Guerre.
Reconnaissance
Le 16 avril 1946, Jacques Rollet est démobilisé. « Le protégé du Commandant Colliou… » Reçoit la Médaille militaire le 27 juin 1955, puis la Croix du combattant volontaire 1939-1945 le 13 novembre 1969.
Il épouse Marthe Rollet le 16 octobre 1948 à Andelaroche (Allier). De leur union naîtront deux enfants : Ro land et Marie-Noëlle. Le couple s’installe pendant quelques années à Montaiguët-en-Forez, avant de rejoindre Lapalisse. Ils vivent d’abord à la Gare, puis avenue Pasteur, pour finalement s’établir de façon définitive au 6 quai de la Besbre. Handicapé à vie par sa blessure, il est victime d’un AVC en 1984 et décède le 3 août 1995 à Lapalisse (Allier).






