Commémoration du Camp Casanova

Cérémonie au Parc à Cressanges

Prise de parole

Merci à vous d’être présents, fidèles à nos rendez-vous de la mémoire de la Résistance.
Merci aux représentants des organisations patriotiques.
Merci aux porte-drapeaux.
Merci aux élus qui nous accompagnent dans la réalisation de nos missions.

Nous sommes le 17 juillet
Avant-hier après-midi, nous étions le 15, un peu fatigués mais tellement contents du grand périple célébrant notre 14 juillet en défilant dans toutes les communes du secteur sous les acclamations de la population ; passée la fête, retour au travail ! un groupe de maquisards part du camp à Renaudière vers Deux Chaises avec le petit car pour arrêter les membres d’un faux maquis qui réquisitionnait de force chez les habitants. Alertés par le bruit, deux soldats allemands de garde au carrefour de Lafeline s’approchent à vélo pour voir…  » Sapin  » se faufilant dans le fossé à l’abri de la haie abat un soldat Allemand… le second s’échappe et donne l’alerte.
Les Résistants rentrent au camp ; mais le soir même le camp est attaqué à la tombée de la nuit. Les résistants sont repoussés au carrefour de Chapillière par les Allemands armés de fusils mitrailleurs et de grenades offensives. Georges AUREMBOUT fait se replier le petit groupe qui tentait une sortie. Pris en tenaille, les maquisards devaient évacuer leur camp.
Lucien Depresle connaissant fort bien le terrain, prend le commandement de l’opération. Avec les frères Aurembout, Il conduit la petite cinquantaine de combattants par les sentiers qui lui sont familiers dans le bois, à travers champ et à l’abri des haies… Ils s’éloignent, traversant la route de Saint-Pourçain avec d’infinies précautions, ils rejoignent les bois de Peuron au milieu de la nuit. Ils y restent terrés toute la journée jusqu’à hier soir avant de partir pour Besson dans les bois du Château de Bost où ils sont arrivés ce matin.
Hier les représailles se sont abattues sur le secteur, neuf otages ont été raflés dans les fermes environnantes (un disparu, quatre envoyés au STO, deux emprisonnés à la Mal-Coiffée et quatre relâchés).
La nuit prochaine Lucien va prendre son poste de garde à l’orée du bois, surveillant la route de Besson à Cressanges…
La suite, c’est lui qui me l’a racontée cent fois…
Il faisait à peine jour au matin du 18 juillet quand une longue colonne de camions passa sur la route, sans s’arrêter !
« Ouf, ce n’est pas pour nous ! »
Mais il s’en faudra de quelques heures… Après avoir sévi à Noyant à la ferme de Villars qu’ils incendient pour en déloger le Groupe Villechenon, Miliciens et GMR viennent encercler les bois de Bost.
A moins d’un contre dix, le déséquilibre des forces est tel, qu’il impose la dispersion pour échapper à l’encerclement.
C’est par petits groupes de 7 ou 8 que les résistants s’enfuient. Marc BONNOT, René AUBER, Roger MAGNIERE et LARAME cherchent à rejoindre Cressanges à l’ouest où ils savent trouver de l’aide et de l’abri.
Le groupe se sépare ; AUBER et LARAME partent de leur côté mais René AUBER est fait prisonnier ; il va connaître la prison des Brosses et ses salles de torture.
Les miliciens ont assassiné Marc BONNOT d’une balle dans la tête près de la ferme du Parc où nous étions tout-à-l’heure et son compagnon Roger Magnière sera laissé dans un fossé grièvement blessé. Les GMR le ramasseront et le conduiront à l’hôpital de Moulins où il devra être amputé.
A l’Est des bois, en direction de Besson, Roger BELLIEN, caché derrière un boursiller d’érondes (un buisson de ronces), aperçoit un groupe de miliciens et de GMR à quelques dizaines de mètres sur le chemin près de la ferme de La Vivère. Il veut tirer, mais sa mitraillette s’enraye, et c’est suffisant pour qu’il soit repéré. Il a été abattu là à l’orée du bois en contrebas de la ferme de la Vivère…
C’était demain, le 18 juillet 1944.
Alors aussi et surtout Merci à Roger, à Marc, à Robert et à Lucien, à Jean-Marie, à Jean et à Marcelle, à Lucienne, Georges, Gilbert, à Louis, à Henri, à René et à Jean-Baptiste…
Merci à cette glorieuse multitude de tous les cœurs battants qui ont vaillamment contribué à vaincre la barbarie.
La Résistance, et l’histoire en atteste, a fait de la Libération la victoire du soulèvement populaire sans lequel celle de l’armada des armées alliées n’aurait pas sitôt rétabli la démocratie républicaine dans nos frontières.
La mémoire de la Résistance, comme celle de la Révolution Française, de la Commune de Paris et quelques autres, illustre la volonté populaire d’un monde libre, juste et fraternel, un monde de paix et de concorde entre les peuples. Son expression en est aujourd’hui d’autant plus impérieuse que la planète, et même l’univers quand l’espace est investi par le militaire, semble inexorablement soumis à la barbarie des guerres que beaucoup font aux autres par procuration et avec les armes de la misère et de la faim.
Gardons-nous des observations simplistes qui réduisent les affrontements au présent en occultant leurs causes proches ou plus lointaines. Les faiseurs de guerres sont aussi ceux qui en banalisent la présentation médiatique.
Nous ne sommes pas dans un monde sans grand-mères, et le même monde des milliardaires qui préféraient Hitler au Front Populaire continue d’agiter ses marionnettes ; les dernières échéances électorales en ont mis en scène la tragédie.
Avec l’ANACR, c’est au devoir de vigilance que je vous invite pour faire droit à la mémoire de la Résistance et au respect de l’engagement de celles et ceux qui l’ont trop souvent payé de leur vie notre reconquête de la démocratie républicaine.
Je vous invite malgré tout à terminer sur quelques notes d’espoir…
La plus improbable me direz-vous tout-à-l’heure : l’engagement des Résistants vaut encore aujourd’hui, et nous devrions le parachever en pensant la paix pour la faire, une paix qui se gagnera peut-être plus difficilement que toutes les guerres en bannissant l’arme nucléaire comme ont été bannies les armes chimiques, en proposant à nos enfants des classes de la Paix plutôt que des « classes défense », en faisant défiler, à Moscou comme à Paris plus d’infirmières et d’enseignants, d’ouvriers et de jardiniers que d’engins de la mort servis par leurs robots.
Deux notes d’espoir plus surement réalistes à court terme :
• Les routes du département verront sans doute d’ici quelques temps fleurir les jalons de la Résistance et d’autres mémoires en chemin.
• La rentrée prochaine nous verra amplifier nos actions en direction de la jeunesse autour de notre patrimoine mémoriel de la Résistance
Merci à celles et ceux qui font vivre notre association au quotidien, une belle équipe d’entêtés pour ceux qui la regarde de loin, mais qui de près je vous l’assure, cultivent plutôt la persévérance, le courage et l’opiniâtreté, la constance et la pugnacité, quelques qualités qui firent les valeurs de la Résistance et dont nous devons nourrir notre action.

Daniel LEVIEUX – le 17 juillet 2022