Danielle CASANOVA

10 janvier 2020

PORTRAIT
DANIELLE CASANOVA, LA DÉTERMINÉE

Article paru dans l’édition des 8, 9 et 10 février 2019 du journal l’Humanité sous la signature de Claude Pennetier , historien, codirecteur du MAITRON.


Née le 9 janvier 1909, la Corse Danielle Casanova est une femme de la période Front populaire du communisme français marquée par l’antifascisme, la volonté d’ouverture, la redécouverte de la Révolution française. Elle meurt à l’âge de 34 ans, le 10 mai 1943, en déportation à Auschwitz.

Ce n’est pas uniquement son martyre, sa mort à Auschwitz, qui fait sa grandeur, c’est aussi sa création et sa direction déterminée de l’Union des jeunes filles de France (UJFF), ainsi que son rôle de premier plan dans le communisme clandestin et son entrée en résistance. Où a- t-elle puisé cette fermeté, cette force de caractère, cette humanité, ce charisme qui ont contribué à la pérennité de sa mémoire ? Elle est la femme communiste la plus honorée. Depuis 1989, un paquebot transporteur de la compagnie maritime SNCM porte son nom.

Il s’impose à l’esprit son origine corse. Elle naît le 9 janvier 1909, à Ajaccio. La famille Perini, des instituteurs, porte des valeurs républicaines. Les grands-parents de Piana se disent du « clan Landy » républicain. Mais il n’est pas question de communisme. Un frère aîné est même un journaliste radical-socialiste. C’est Vincentella (premier prénom de celle qui se fit appeler Danielle) qui, encouragée par ses parents à faire des études de dentisterie à Paris, est gagnée au communisme et qui, avec sa force de conviction, entraîne l’essentiel de sa famille et aussi son amoureux, l’étudiant en droit Laurent Casanova, qui devient le collaborateur de Maurice Thorez.

C’est aux Jeunesses communistes que la jeune femme s’affirme
Certes, son militantisme commence avant le Front populaire : adhésion à l’Union fédérale des étudiants en 1927 (mouvement qui n’avait pas été créé par les communistes, mais où ceux-ci sont de plus en plus présents), adhésion aux Jeunesses communistes (JC) en 1928, responsabilités au Parti communiste en 1930. Mais c’est bien aux JC que la jeune femme va s’affirmer et, en quelques années, devenir l’élément féminin de la direction, celle qui parle, qui écrit, qui organise. Très tôt, elle s’initie aux tâches clandestines qui nécessitent de la discrétion, de la méthode, du sang-froid et, bien sûr, du courage. Elle le fait dans le cadre de l’activité antimilitariste et des questions coloniales.

Moment important et initiateur pour elle, l’invitation au VIe congrès de l’Internationale communiste des jeunes en septembre-octobre 1935, où elle entre au comité exécutif de l’ICJ, suivi du congrès de Marseille des JC en mars 1936 qui la voit monter sur la marche supérieure parmi les quatre secrétaires, avec mission de fonder et de diriger l’UJFF. Pourquoi séparer garçons et filles ? On peut faire appel à la montée des thématiques familialistes sous le Front populaire. Danielle Casanova s’en explique en invoquant les réticences des familles populaires de l’époque à laisser s’engager des jeunes filles dans des mouvements mixtes et en misant sur un développement rapide d’un tel mouvement, ce qui se confirme.

Danielle Casanova, entourée de Claudine Chomat et de Jeannette Vermeersch, jouit de ses qualités naturelles d’organisatrice et de son sens des relations humaines. De plus, elle bénéficie de l’amitié de Thorez, qui apprécie sa présence et celle de Laurent Casanova dans les repas entre proches. Elle garde son jardin secret, la coopération avec le Kominterm pour les actions de transmissions et de déplacements. Maurice Tréand veille à la discrétion de ces missions qui nécessitent l’emploi de femmes jeunes, cultivées et sûres. L’UJFF est un vivier de choix. N’oublions pas que le PCF est encore, jusqu’en 1943, une section de l’Internationale communiste, avec la nécessité de faire circuler des cadres. Toujours est-il que, mieux que beaucoup d’autres, elle maîtrise les techniques de base de la clandestinité, ce qui lui donne un temps d’avance lorsque le Parti entre dans la clandestinité, puis la Résistance.

Revenue de Corse, elle choisit aussitôt de disparaître après le pacte germano-soviétique et l’interdiction du PCF en septembre 1939, évitant les arrestations et les internements administratifs qui touchent durement les militants et les libertés républicaines. Chargée un moment de superviser la propagande politique dans l’armée, elle s’oriente à partir d’octobre 1940 vers la mise en place des comités féminins dans la région parisienne et la zone occupée, avec une belle réussite. Elle suit également les rapports avec les intellectuels. Amaigrie, habillée avec élégance comme une bourgeoise, elle se déplace dans la plus grande discrétion. Mais la police réussit à l’arrêter le 15 février 1942, chez Maïe et Georges Politzer. Elle connaît la prison, l’internement à Romainville. Si les Allemands ne fusillent pas les femmes en France, préférant les déporter, elles apprennent les exécutions de leurs maris, frères et amis, notamment au Mont-Valérien.

En déportation à Auschwitz, elle est dentiste au Revier (l’infirmerie). Sa mort du typhus, le 10 mai 1943, affecte ses codétenues.

Le PCF honore sa mémoire en faisant d’elle, à juste titre, une héroïne nationale célébrée le jour de la fête de Jeanne d’Arc. Le tableau de Boris Taslitzky, la Mort de Danielle Casanova, peint en 1950, en est l’expression artistique, ainsi que sa présence dans le Musée Grévin d’Aragon. Charlotte Delbo en fait un personnage marquant de son œuvre. Dans le martyrologue qui s’affirme, elle est « la femme », Guy Môquet « le jeune », Gabriel Péri « l’intellectuel », Pierre Semard « le cheminot », Jean-Pierre Timbaud « le métallo ».

Tous les noms qui figurent dans ce papier sont accessibles librement sur le site maitron-en-ligne.univ-paris1.fr
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