Billy le 25 Août 1944
Les troupes d’occupation allemandes sont en retrait en cette fin d’août 1944. En provenance du Mayet de Montagne, une compagnie de SS dirigée par le capitaine KNABEL s’installe au château de la Croix de l’Orme sur la commune de Billy, le 24 août. Ce lieu était occupé par des troupes allemandes depuis 1943. Le lendemain, certains éléments de cette compagnie sont accrochés par des FFI dans les faubourgs de Saint-Germain-des-Fossés.
Ce qui s’est passé ce jour-là :
Les Allemands devenus très méfiants installent une garde camouflée derrière un transformateur au carrefour de la nationale 493 et de la départementale 73 (route de Saint-Félix). Ce même jour, le 25 août, le commandant Didier, dont le groupe est installé près du col de la Plantade, envoie un détachement de cinq hommes en camionnette pour récupérer des armes au château du Lonzat, commune de Marcenat, tout près de Billy, sur l’autre rive de l’Allier. A leur retour, les cinq hommes empruntent le pont de Billy au lieu de franchir l’Allier au pont Boutiron comme prévu, ils sont alors interceptés vers 16 heures par les SS au carrefour dit « des Clavettes ». Pris sous le feu d’une mitrailleuse, les hommes stoppent leur véhicule et descendent sous la menace de fusils braqués sur eux. Ils remettent leurs armes et lèvent les bras en l’air. Le véhicule est fouillé et les mousquetons pris au château du Lonzat découverts. Les hommes sont conduits dans la cour du château de la Croix de l’Orme. Accusés d’être des maquisards déguisés, des « terroristes », ils sont poussés vers leur lieu de supplice. Odieusement martyrisés, ils sont abattus après avoir dû creuser leur tombe.
La découverte des cadavres :
Le lendemain matin, une série d’explosions alertent les gendarmes de la brigade de Saint-Germain-des-Fossés qui se rendent sur les lieux. Voici un extrait de leur rapport : « Vers 13 heures les explosions ayant cessé et tout danger semblant être écarté, nous nous sommes rendus sur les lieux et nous avons constaté que le château avait été entièrement détruit par les explosions et l’incendie qui s’en est suivi…A quatorze heures continuant nos recherches nous avons découvert en bordure du parc dans une tranchée dite de défense, située à cent mètres au nord du château, le cadavre d’un homme simplement recouvert de branchages. Nous avons alors découvert six cadavres entassés les uns sur les autres dans cette tranchée. »Tous portent les marques de tortures sauvages et de traces de balles dans la tête.
Les bourreaux :
Un acte d’accusation émanant de la Justice Militaire du 28 août 1944 précise : « 1) Les employés allemands de la gare de Saint-Germain-des-Fossés : KELLER, sous-chef de gare allemand à la gare de Saint-Germain-des Fossés, pendant l’Occupation, STREIBEL, SCHLEMER, MAEZAMA, LUKINGER. 2) HOFFMAN, adjudant de la formation allemande 59196 stationnée au moment des faits au château de la Croix de l’Orme, commune de Billy (Allier) ainsi que le Capitaine GESSLER (ou Geusen), formation S.P 59195, le lieutenant DELFLING, adjoint au capitaine, sergent PASSMAN se seraient rendus coupables, dans le courant de l’année 1944, notamment sur le territoire des communes de Saint-Germain-des-Fossés et de Billy d’ assassinats, incendies volontaires, vols et complicité, assassinats notamment de six personnes, identifiées, dont les cadavres ont été découverts le 26 août 1944, dans une fosse près de Saint-Germain-des-Fossés ; incendie du château de l’Orme, commune de Billy (Allier). » D’après plusieurs témoignages, Keller le sous-chef de gare, nourrissait une haine féroce envers les cheminots français qu’il soupçonnait de travailler pour la Résistance, et pour le peuple français en général.
Les six victimes :
Victor CAZENAVE, né à Bordeaux (Gironde). Sergent-chef d’aviation à la 117ème base aérienne, domicilié à Vichy. René LORDEREAU, adjudant-chef de la Garde Personnelle du Chef de l’Etat, né le 23 décembre 1901 à Saint-Gervais d’Auvergne (Puy de Dôme). Augustin DOURNEAU, gendarme à la Garde Personnelle du Chef de l’Etat, né le 20 février 1915 à Varzy (Nièvre). Arthur ARNAUNE, gendarme à la Garde Personnelle du Chef de l’Etat, né le 10 juillet 1915 à Borderes Louron (Hautes Pyrénées). René SCHMELTZ, gendarme à la Garde Personnelle du Chef de l’Etat, né le 16 février 1920 à Paris (XVème).
La présence de gendarmes de la Garde Personnelle du maréchal Pétain est expliquée par Xavier Aïolfi, dans son livre « La Garde Personnelle du Chef de l’Etat-1940-1944 »( pages 135/136) : « Dans la nuit du 23 au 24 août, à l’exception d’un peloton qui restera garder les locaux de l’Hôtel du Parc, la totalité de la garde personnelle rejoindra le maquis. Le 23 août au matin, c’est un convoi d’une trentaine de véhicules qui quitte Vichy. Les préparatifs du départ s’effectuent par une porte dérobée du Concours Hippique. Le convoi se scinde en deux groupes. 104 hommes se dirigent vers le groupe « Victoire » aux « Estivaux », 236 hommes rejoignent le maquis « Didier » au col de la Plantade. » Une sixième victime enterrée sommairement avec les cinq autres corps était un civil allemand : Ewald LUENENSCHLOSS, né le 21 décembre 1885 à Barmen (Allemagne), domicilié à Billy. Marcel Guillaumin évoque son parcours dans un article du journal « Le Patriote de l’Allier », daté du 30 octobre 1944 : « Ses opinions communistes le rendent bien vite suspect aux nazis. Il doit se cacher puis passe la frontière et vient offrir sa vie pour la défense du « Frente Popular ». La victoire de Franco le jette en France où on l’interne avec ses camarades. 1939 lui apporte la chance de combattre pour sa classe et pour son parti. Il s’engage dans notre Légion Etrangère. Celle-ci dissoute, il rentre en France et tente de reprendre sa profession de cimentier. » Employé dans une entreprise de Billy, il va souvent rencontrer les soldats allemands cantonnés à la Croix de l’Orme pour les convaincre de se rendre aux maquis. Surpris par des SS, il est torturé sans pitié, achevé, son corps jeté avec les victimes de l’embuscade du 25 août.
Dès la fin de la guerre, l’ARACT (Amicale des Résistants Actifs de l’Allier – Vichy) fait ériger une stèle sur le lieu de l’embuscade. le nom d’Ewald Luenenschloss n’a pas été gravé aux côtés de ceux des militaires français « Morts pour la France ».