Résistance itinérante

16 janvier 2020

Au coeur des Bois Noirs, dans la Montagne Bourbonnaise, la cité de Lavoine participa à l’accueil de plusieurs camps de maquis, développés par Roger Kespy.

Au Caco, des maquis !

C’est au petit jour du 14 juillet 1943, au lieu-dit Matichard, entre Lavoine et Ferrières sur Sichon (D 995), que l’instituteur de Lavoine, « Fred » (Maurice Laurent), a accueilli le groupe issu de la division du maquis de Châtel-Montagne, commandé par Camille Roux. Fred, soutenu par Céline, son épouse, également institutrice, les conduits au lieu-dit Le Caco – entre Lavoine et La Guillermie – dans une petite maison abandonnée. L’école de Lavoine servait aussi de « boîte aux lettres » pour les jeunes qui fuyaient le STO et rejoignaient le maquis, les maisons Riboulet, à Ferrières-sur-Sichon et Pételet, au col du « Beau Louis » étaient des points d’appuis. Ce groupe côtoyait celui des FTP du maquis Paul Vaillant-Couturier et, en cas de danger, tous deux se réunissaient dans la maison « Darot », près du Puy Snydre. La vie dans les cabanes, au plan du Jat (entre le col de la Plantade et Lavoine), était dure, surtout avec la neige tombée durant l’année 43. Ainsi, pour faire face au nombre croissant d’hommes, à la difficulté de nourrir l’ensemble, la décision fut prise, en octobre 1943, de diviser le groupe en trois : l’un, au Caco, l’autre à Bechemore, et enfin le dernier au viaduc des « Peu », près de ce qui fut la mine d’uranium.

A Matichard, le colonel Gaspard

Un autre groupe, mieux structuré, mieux équipé, plus mobile, composé de militaires, et dirigé par le colonel « Gaspard » (Emile Coulaudon) – homme à poigne qui recrutait des hommes pour le Mont Mouchet – venait parfois dormir, quand il faisait froid, à Matichard, chez Joseph Bigay. Gaspard arrivait avec une vieille camionnette et ne restait pas longtemps. Joseph Bigay lui donnait les clés de sa saboterie, située en contrebas de la maison. Les consignes étaient claires : durant la nuit, personne ne devait venir sans prononcer un mot de passe qui changeait tout le temps – » sanglier », « Le corbeau »- sous peine de se faire tirer dessus. Des sacs en provenance du Concours hippique de Vichy, étaient également déposés dans la grange familiale, par le chauffeur du tacot et par Gaston et René Bigay. Une paire de chaussures de l’armée donnée par les maquisards de Gaspard récompensait les deux gamins. L’ambiance était « spéciale », la peur présente, la prudence de règle : beaucoup de monde rejoignait Lavoine avec le train et s’arrêtait à Matichard. Les gens de Vichy venaient se ravitailler. Certains paraissaient louches comme un nouvel arrivant, le « Grand chapeau », qui traînait et questionnait beaucoup. La milice fouillait les lieux sans jamais rien trouver, même pas le fusil de Joseph, dans les canalisations.

Solidarité villageoise !

L’agence postale, épicerie, café, hôtel de Lavoine était tenue par M. et Mme Desvernois qui aimaient bien écouter les « anglais » à la radio. Ils ravitaillaient les maquis de la Loire (50 hommes) et recevaient également le courrier : un certain « Michel » venait le chercher durant la nuit. Amis de la famille Arteil, des marchands de toile de Saint-Just-en-Chevalet, les Desvernois et leur fille Francine cachaient, dans leur cave ou dans les haies, les armes qu’Alice Arteil apportait.

L’agence postale de la famille Desvernois, à Lavoine.

Le « lieutenant » Alice Arteil qui, poursuivi par la Gestapo, menait une existence itinérante, entre la Loire et l’Allier. Les paysans apportaient également leur soutien. Fernand Goutille se cachait au village Potin pour éviter de partir au STO : au milieu des vaches, dans le champ, son père faisait semblant de commander, en patois, le chien ; en fait, il parlait à son fils qui était caché. La Milice n’était pas inactive, non plus. Il y eut une descente chez Louis Desvernois au lieu-dit « Le Paltot. » Louis a volontairement mené les miliciens dans la grange où des réfractaires, Gervais Dacher, Gervais Laurent, étaient dissimulés dans le foin. Il les a prévenus en patois qu’il allait montrer aux miliciens comment se servir de l’aiguillon pour piquer le foin ! Mis ainsi en confiance, ceux-ci ont abandonné leurs recherches. Malheureusement, les choses ne se sont pas toujours aussi bien terminées. Le ratissage dans la région (Ferrières-sur Sichon, La Guillermie, Lavoine) par la Milice et la brigade Spéciale de Clermont du Commissaire Trotta, aboutit, en novembre 1943, à l’arrestation de « Fred », du maire de Lavoine, Claude Vallas, lequel n’est jamais rentré de Déportation, à la dispersion des maquis prévenus de la rafle, à l’incendie des baraques du maquis Alice Arteil, à Plan du Jat laquelle rejoindra le groupe ‘Roussel » (Colliou), en décembre 1943.