Trois infatigables Résistants

15 janvier 2020

Alexandre & deux Lucien…

Il y a un an, La Montagne avait réuni trois anciens résistants. Juste pour les écouter. Pour les 70 ans du débarquement du 6 juin 1944, redécouvrez les témoignages de Lucien Séchaud (90 ans), Lucien Guyot (90 ans), Alexandre Kaczerginski (87 ans).

Lucien Séchaud, 89 ans : « Des héros il y en a eu, moi je ne me considère pas du tout comme un héros » ; Alexandre Kaczerginski, 86 ans : « Je n’ai pas voulu aller me cacher, je me suis dit : avant d’avoir ma peau, j’en descendrai quelques-uns. » ; Lucien Guyot, 89 ans : « Quand j’ai su que mon cousin était résistant, ça a fait tilt ». © photos raph. gigot

En ce mois d’octobre 2019, seul Lucien SECHAUD est encore parmi nous.

Les souvenirs sont arrondis par les années. Pourtant, Lucien Guyot, Alexandre Kaczerginski et Lucien Séchaud n’ont rien oublié. Les craintes, les visages, les amis, les ennemis, l’espoir.

Là, autour de la table, sollicités pour raconter leurs années de Seconde Guerre mondiale, ils se révèlent en hommes de combat. Soixante-dix ans plus tard, ce sont toujours des résistants (*).

« Il faut une certaine dose d’inconscience »


L’insouciance de la jeunesse. Entre 1940 et 1944, Ils avaient juste l’âge des premières amours. « J’étais un petit gars de seize ans et demi, annonce Alexandre Kaczerginski. Je suis rentré dans le maquis parce que les Allemands menaient une action très violente, ils voulaient éradiquer la Résistance dans le Haut-Bugey. »

Pour Lucien Séchaud, « on était comme tous les jeunes, à cet âge on ne se rend pas compte de nos actes. Quand je suis parti le 20 août 1944 à vélo, si j’avais été arrêté entre Cusset et Lapalisse… Ma mère pleurait, ils ont tout fait pour m’empêcher de partir. Mais je suis parti et je ne regrette rien. » « C’est vrai, il faut une certaine dose d’inconscience », intervient Alexandre Kaczerginski.

Passer à l’action.

Lucien Séchaud : « J’avais des cousins et des oncles qui étaient politisés, certains étaient au parti communiste. Ils ont été les premiers dans le coup. Je ne l’ai su qu’après, j’ai pu assister à des réunions. »

À Oyonnax, la situation est plus complexe pour Alexandre Kaczerginski. « Je savais que les juifs étaient pourchassés. Je n’ai pas voulu aller me cacher, je me suis dit : avant d’avoir ma peau, j’en descendrai quelques-uns. Je n’avais pas envie de me laisser abattre comme un lapin, c’est tout. » Dans le Bourbonnais, Lucien Guyot a été moins directement impliqué : « Si je n’avais pas eu un cousin résistant, je me serais désintéressé de l’affaire. Ceux qui sont nés en 1924 n’ont pas été concernés par les chantiers de jeunesse ni le STO. Et nous, étudiants, on était sursitaires. On n’avait aucune raison de s’engager… Mais quand j’ai su que mon cousin était résistant, ça m’a fait tilt et j’ai voulu absolument participer. »

« Des héros il y en a eu mais moi je ne me considère pas du tout comme un héros, précise Lucien Séchaud. D’ailleurs, je n’ai pas demandé ma carte de combattant, j’estimais que je n’avais pas fait assez. »

« Tu en as fait bien plus que tous ceux qui sont allés se planquer et qui ont dit « nous, on n’est pas concernés » », rectifie Alexandre Kaczerginski.

Lucien Guyot : « Je crois que les circonstances et l’environnement ont eu une importance capitale : c’est le STO qui a créé l’affluence dans les maquis. »

Résister.

Alexandre Kaczerginski : « Ca se résume à un mot : savoir dire non. Les gens ne savent plus dire non ; oui, oui, comme ça, il n’y a plus de problème. Non ! Nous, on n’a pas accepté d’être soumis. Pétain était adulé à l’époque mais il nous a soumis, il nous a mis dans l’état d’accepter. Eh bien non, accepter c’est se soumettre. Il fallait résister. Moi, je n’ai pas tellement de mérite, étant juif, nous étions pourchassés. D’autres sont partis, se sont planqués, d’autres ont pris les armes. La Résistance, c’était dire non. Ne pas baisser la tête. »

« Pour atteindre un but commun, il faut taire ce qui nous divise »
Une éthique. Alexandre Kaczerginski : « On a compris que la vie était un combat. Dans notre travail, cela nous a donné l’envie de nous battre de prouver qu’on avait des possibilités de réussir. »

« C’était une formation de notre caractère, complète Lucien Séchaud. J’ai milité toute ma vie, je continue. Sur le plan social, on a mené des combats terribles. Les avantages, on les a arrachés, rien n’est venu tout seul. Il a fallu se cramponner. »

Et après ?

Lucien Guyot : « Ce que j’espère c’est que l’on tire les leçons de l’histoire. Regardez la vie de Cordier, le secrétaire de Jean Moulin : à l’époque, il était un réactionnaire fieffé. Il faut retenir ça : pour atteindre un but commun, il faut taire ce qui nous divise. Et quand on veut quelque chose suffisamment fort, on est capable de surmonter les difficultés. C’est ce que dit le programme du Conseil national de la Résistance. »

Lucien Séchaud : « Il faut tout faire contre la guerre. Cela paraît drôle que ce soit un ancien combattant qui le dise. Les problèmes sont politiques, il faut tout faire pour essayer de les régler. Il n’y a qu’une guerre juste, c’est la guerre de libération. »

Lucien Séchaud , Lucien Guyot & Alexandre Kaczerginski.

(*) Tous les trois sont membres de l’Association nationale des anciens combattants et amis de la résistance (l’Anacr).

Résister :  » C’est savoir dire non »

L’INSOUCIANCE DE LA JEUNESSE.

Entre 1940 et 1944, Ils avaient juste l’âge des premières amours. « J’étais un petit gars de seize ans et demi, annonce Alexandre Kaczerginski. Je suis rentré dans le maquis parce que les Allemands menaient une action très violente, ils voulaient éradiquer la Résistance dans le Haut-Bugey. »

Pour Lucien Séchaud, « on était comme tous les jeunes, à cet âge on ne se rend pas compte de nos actes. Quand je suis parti le 20 août 1944 à vélo, si j’avais été arrêté entre Cusset et Lapalisse… Ma mère pleurait, ils ont tout fait pour m’empêcher de partir. Mais je suis parti et je ne regrette rien. » « C’est vrai, il faut une certaine dose d’inconscience », intervient Alexandre Kaczerginski.

Dans le Bourbonnais, Lucien Guyot a été moins directement impliqué : « Si je n’avais pas eu un cousin résistant, je me serais désintéressé de l’affaire. Ceux qui sont nés en 1924 n’ont pas été concernés par les chantiers de jeunesse ni le STO. Et nous, étudiants, on était sursitaires. On n’avait aucune raison de s’engager… Mais quand j’ai su que mon cousin était résistant, ça m’a fait tilt et j’ai voulu absolument participer. » « Des héros il y en a eu mais moi je ne me considère pas du tout comme un héros, précise Lucien Séchaud. D’ailleurs, je n’ai pas demandé ma carte de combattant, j’estimais que je n’avais pas fait assez. » « Tu en as fait bien plus que tous ceux qui sont allés se planquer et qui ont dit « nous, on n’est pas concernés » », rectifie Alexandre Kaczerginski.

Lucien Guyot : « Je crois que les circonstances et l’environnement ont eu une importance capitale : c’est le STO qui a créé l’affluence dans les maquis. »

Alexandre Kaczerginski : « Ca se résume à un mot : savoir dire non. Les gens ne savent plus dire non ; oui, oui, comme ça, il n’y a plus de problème. Non ! Nous, on n’a pas accepté d’être soumis. Pétain était adulé à l’époque mais il nous a soumis, il nous a mis dans l’état d’accepter. Eh bien non, accepter c’est se soumettre. Il fallait résister. Moi, je n’ai pas tellement de mérite, étant juif, nous étions pourchassés. D’autres sont partis, se sont planqués, d’autres ont pris les armes. La Résistance, c’était dire non. Ne pas baisser la tête. » « Pour atteindre un but commun, il faut taire ce qui nous divise »

« C’était une formation de notre caractère, complète Lucien Séchaud. J’ai milité toute ma vie, je continue. Sur le plan social, on a mené des combats terribles. Les avantages, on les a arrachés, rien n’est venu tout seul. Il a fallu se cramponner. »