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Stèle Louis Max LAVALLÉE – Saint Sauvier

15 août 2023
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Article rédigé par Suzel Crouzet

(Musée Résistance, Montluçon)

l’histoire d’une amitié franco-canadienne

Située aux confins de l’Allier, la commune de Saint-Sauvier est constituée d’un gros bourg et de plusieurs hameaux, comme Peumant ou Sugères. En 1936, elle comptait 863 habitants. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a abrité un groupe de résistants déterminés qui réceptionnaient, en particulier, les parachutages nécessaires au développement des maquis. Le 23 juillet 1943, un avion allié s’est écrasé sur un terrain situé à deux kilomètres du bourg ; un membre canadien de l’équipage a trouvé la mort dans le crash. Les commémorations en l’honneur de Louis-Max Lavallée ont permis de resserrer les liens entre la France et le Canada.

La situation géographique de la commune de Saint-Sauvier explique sans aucun doute le rôle qu’elle a joué dans l’histoire de la Résistance, mais il n’en aurait rien été sans la solidarité et le courage de ses habitants.

Saint-Sauvier, terre d’accueil

Caty,  à l’arrière-plan sur cette photo (avec les enfants Cholin entourant leur grand-mère)
Source : Mme Beroud

A la fin des années 1930, la commune accueille de nombreux réfugiés espagnols. D’autres personnes, venues du Nord ou de l’Est de la France, trouvent refuge à Saint-Sauvier après la débâcle de l’armée française. Des liens très forts se nouent entre les réfugiés et les habitants de la commune. La famille de Madame Caty Beroud[1] arrive à Saint-Sauvier en décembre 1942, après avoir fui la rafle du Vel’ d’Hiv’. Elle trouve refuge chez des agriculteurs de Peumant, Julienne et Henri Cholin. Le frère de Caty, Albert, entre dans la Résistance, à Montluçon, sous les ordres du capitaine « Michel »[2], Emile Mairal, le frère du secrétaire de mairie et instituteur de Saint-Sauvier, Paul Mairal. Caty a onze ans et va à l’école avec le fils de ses hôtes, Jean Cholin. Le curé accepte qu’elle fasse sa communion en mai 1943, même s’il n’est pas dupe de la situation de la petite fille. Le facteur redoute les lettres de dénonciation.

Les habitants de Saint-Sauvier accueillent aussi ceux qui fuient le travail forcé en Allemagne. Après la grande manifestation montluçonnaise du 6 janvier 1943 contre le départ des requis pour l’Allemagne, les organisateurs et les requis en fuite sont poursuivis. Pierre Kaan, repéré à la manifestation par les autorités, ne peut rester à Montluçon ; il trouve refuge à Saint-Sauvier, plus exactement à La Vierne, auprès de la famille Dutheil. Paul Mairal joue un rôle important dans l’aide apportée aux jeunes réfractaires au STO, le Service du Travail Obligatoire mis en place en février 1943. Les hameaux de la commune abritent plusieurs de ces derniers : La Ribbe et la Croix Blanche cachent Adrien Aymes[3] ; Vieille-Vigne, Pierre Casiali[4] et Noël Ruter.

Saint-Sauvier, terre de Résistance

Henri CHOLIN
Source : famille Cholin-Ranoux

Auguste CHAULIER
Source : famille Dodat

Henri Cholin et Paul Mairal sont très actifs dans la Résistance. De fait, la commune de Saint-Sauvier est assez isolée et convient bien aux activités clandestines menées par le groupe d’Henri Dubouchet[5]. « Riton » tient une épicerie et un café à Saint-Sauvier et c’est souvent chez lui qu’ont lieu les réunions. Le groupe dépend du réseau Action R6 de Clermont-Ferrand. Il comprend des habitants de la commune de Saint-Sauvier, mais certains peuvent venir de plus loin : Francisco Saez[6] habite Montluçon, tout comme Jean Gaulier[7] et Camille Rougeron[8] ; Ernesto Martoloni[9] vient de Saint-Marien. Parmi les habitants de la commune, on trouve, outre Cholin[10] et Dubouchet, Auguste Chaulier[11] et Emile Romaine[12].

Ce groupe de résistants réceptionne les conteneurs parachutés par les avions alliés. Le Montluçonnais, situé à la limite du rayon d’action des avions venus d’Angleterre, est, en effet, une région favorable aux parachutages. Saint-Sauvier, commune de l’Allier placée à la limite de la Creuse et du Cher, ne peut que retenir l’attention des Alliés. En 1943, les parachutages s’intensifient avec le développement des maquis à qui les Alliés fournissent matériel et armes.

Dans la nuit du 22 au 23 juillet 1943, un avion de la Royal Air Force s’écrase après avoir largué plusieurs conteneurs sur le terrain Wrangel. Sur ses huit occupants, on compte un mort et trois blessés. Les résistants viennent au secours de l’équipage et favorisent la fuite de cinq de ses membres.

Le crash

Le 22 juillet 1943, la BBC diffuse un message destiné au comité de réception de Saint-Sauvier ; un parachutage va avoir lieu. L’Halifax DK 119 décolle vers 23 h 40 de Tempsford dans le Bedfordshire[13]. L’équipage se compose de trois Canadiens et de cinq Anglais. Louis-Max Lavallée, chef de bord et mitrailleur arrière, Raymond Orville Hunter, mécanicien, et Tass Joe Kanakos, mitrailleur, sont de la Royal Canadian Air Force. Donald Crome, pilote, Stanley F. Hathaway, navigateur, David Gordon Patterson, bombardier, Robert William Paulin, radio, et Edward Arthur Allen, mitrailleur-dispatcher, appartiennent à la Royal Air Force. 

Crash de l’Halifax RAF 23 juillet 1943, auteur inconnu. Source : famille Dodat

S. Hathaway – BBC

Cette nuit-là, il y a des orages et de fortes pluies. Trois parachutages sont prévus. Les deux premières opérations se passent bien, mais pour la troisième l’avion doit survoler trois fois la zone de largage de Saint-Sauvier avant que l’équipage arrive à repérer les feux de signalisation et à parachuter les conteneurs restants. Il est trois heures vingt-cinq. Un moteur cale, l’avion heurte un arbre et s’écrase. Si quatre membres de l’équipage sont indemnes, Patterson seulement légèrement blessé, Hathaway et Allen le sont beaucoup plus grièvement et Lavallée[14], écrasé par la tourelle supportant quatre mitrailleuses, meurt sur le coup. Le comité de réception[15] prend rapidement l’équipage en charge. Les conteneurs sont vidés et jetés dans l’étang voisin de la Romagère. Les armes récupérées sont cachées dans divers endroits[16]. 

Une prise en charge délicate

Louis Max LAVALLEE
Source : famille Lavallée

Un réfugié belge, M. Lallemand, parle anglais. Il sert d’interprète auprès des membres de l’équipage.  Allen est blessé aux jambes, comme Hathaway, qui souffre aussi de plaies à la tête et d’une fracture au bassin. Ils sont intransportables. Les résistants les mettent à l’abri, couverts par des parachutes, sous une aile de l’avion. Henri Cholin leur fait boire un verre de rhum. Deux femmes veillent sur eux jusqu’à l’arrivée des autorités. Vers 5 heures, René Degrève et Jean Gaulier quittent le terrain avec les quatre membres de l’équipage indemnes ; ils partent en direction de Montluçon. Trois quarts d’heure plus tard, c’est à bord de la voiture d’Henri Dubouchet, que Patterson, légèrement blessé, part à son tour pour Montluçon. Conduit chez Camille Rougeron, il reçoit les soins du docteur Louis Contamine. Vers 8 heures, les gendarmes sont sur les lieux du crash. Les Allemands arrivent plus tard. Allen et Hathaway, à qui le docteur Roguet de Treignat a déjà fait une piqûre de morphine, sont alors transportés à l’infirmerie de la caserne Richemont de Montluçon[17]. Jean Dutheil[18], un jeune du village, est obligé de descendre dans l’étang afin de récupérer les conteneurs qui s’y trouvent. Pour finir, la décision est prise de vider complètement l’étang.

Les retours vers l’Angleterre

Claude Fargin a sept ans lors de ces événements. Il est le fils de Louis Fargin, employé municipal de Montluçon, très actif dans la réception des parachutages alliés dans l’Allier et le Puy-de-Dôme. Claude a rapporté, plus tard, avoir joué avec deux des aviateurs de l’Halifax chez ses grands-parents [19]. Ce témoignage montre que les différents groupes de résistants se sont entendus pour exfiltrer les membres de l’équipage. C’est grâce à toute une chaîne de solidarités que cinq des aviateurs ont pu regagner l’Angleterre.

Patterson est soigné environ une semaine chez Camille Rougeron, avant de séjourner chez M. et Mme Maurice Germain, avenue des Étourneaux à Montluçon, puis chez M. et Mme Chicois, à Teillet-Argenty. Il rejoint, ensuite, le département de Saône-et-Loire. Il est exfiltré vers l’Angleterre dans la nuit du 23 au 24 août 1943.

René Degrève confie les aviateurs indemnes à Lucien Lépine, alias « Barbouillé ». Celui-ci est originaire d’Ayat-sur-Sioule (Puy-de-Dôme). C’est donc dans cette commune, où il a d’ailleurs créé un maquis, qu’il mène les quatre hommes. Ils y sont accueillis par Alexis Berthon et son épouse dans leur ferme des Bougets. Ils trouvent ensuite refuge à la Côte de l’Âne, toujours à Ayat, puis à Gelles. En septembre, ils sont hébergés par le maquis « Duranton » de Marius Pireyre, à environ deux kilomètres de Giat, où ils sont rejoints par quatre membres de l’équipage du Halifax qui s’est écrasé dans la nuit du 15 au 16 septembre 1943 en Forêt de Tronçais. Le 14 octobre, Hunter, Kanakos et Paulin partent avec deux membres de l’autre équipage pour Clermont-Ferrand où ils prennent le train pour Angoulême (Charente). Pris en charge par la résistance locale, ils sont hébergés pendant plusieurs semaines à Ronfleville, commune de Malaville, à 25 kilomètres d’Angoulême. Crome les rejoint. Ce n’est que le 16 novembre qu’ils peuvent regagner l’Angleterre à partir du terrain « Albatros », placé sur la commune d’Angeac-Charente.

Les aviateurs alliés réfugiés au Maquis « Duranton » près de Giat Accroupis de g. à dr : R.W. Paulin, un Français, R.O. Hunter.2e rang debout : D.Crome, un Français, T.J. Kanakos, Ch. Heyworth.   Source Keith Paulin/ Alain Godignon

Les funérailles de Louis-Max Lavallée donnent lieu, le 24 juillet 1943, à une manifestation importante de la population montluçonnaise contre l’occupant. Les commémorations de 1993 et 2001 rappellent les circonstances de la mort du jeune Canadien et permettent de tisser de nouveaux liens d’amitié entre la France et le Canada.

Des funérailles agitées

Le corps de Louis-Max Lavallée est conduit à la morgue de l’hôpital de Montluçon où il est mis en bière. Les obsèques ont lieu le 24 juillet. Une foule nombreuse attend à proximité de l’hôpital. A 17 h, quatre soldats allemands portent le cercueil jusqu’au corbillard placé devant l’hôpital. Les honneurs militaires sont rendus à Lavallée. Le cortège officiel, composé de soldats allemands, de la police française et d’un délégué suisse, part ensuite de l’hôpital pour se rendre au cimetière de l’Est[20]. La police tient la foule à distance du cercueil. Près du cimetière, on entend La Marseillaise et God Save The King. La situation devient vraiment critique lorsque les Allemands, après avoir rendu les derniers honneurs à Lavallée, sortent du cimetière. La foule leur tourne le dos et se met à chanter La Marseillaise. L’officier supérieur allemand fait tirer ses hommes en l’air pour intimider les manifestants. Après le départ des soldats, la foule entre dans le cimetière et jette la couronne de fleurs des autorités allemandes par-dessus le mur. Le lendemain, les Montluçonnais viennent déposer des fleurs sur la tombe de Lavallée. Le sous-préfet et le maire, convoqués par le commandant de la garnison allemande, arrivent à apaiser la colère de ce dernier.

Les funérailles de Louis-Max LAVALLEE
Source : Musée de la Résistance à Montluçon

La tombe de Louis-Max LAVALLEE
Source : Musée de la Résistance à Montluçon

Les commémorations

En 1946, une stèle est élevée en l’honneur de Louis-Max Lavallée, près du lieu du crash, sur la route reliant Saint-Sauvier à Mesples, en face du chemin de Vigout. La stèle est brisée sur le côté gauche, afin de symboliser la jeunesse du défunt. 

Henri DUBOUCHET
et sa fille Hélène

Commémoration en juillet 1946
Source : famille Dubouchet

Un historien local, René Chambareau[21], joue un rôle important dans la reconstitution de l’histoire du crash de Saint-Sauvier. Cet ancien dessinateur technique de la Sagem, a passé beaucoup de temps et d’énergie à promouvoir le patrimoine local et le canal de Berry. Très marqué par son passage dans l’aviation canadienne, il ne peut qu’être sensible à l’événement du 23 juillet 1943. Par l’intermédiaire d’un magazine de l’Association de la RAF, il cherche à retrouver les membres survivants de l’équipage de l’Halifax DK 119. C’est ainsi qu’il entre en contact avec Stanley Hathaway. René Chambareau participe activement à la préparation de la commémoration du cinquantième anniversaire de la mort de Louis-Max Lavallée, initiée par Madame Marie-Thérèse Rougeron, maire de la commune.

Cinquantenaire : juillet 1993 – Source André Poulet

Le 24 juillet 1993, une manifestation officielle très importante a donc lieu, en présence d’Henri Cholin et de son épouse, de Camille Rougeron, d’Hathaway, de Kanakos, de la famille de Lavallée, de l’association France-Canada de Montluçon, des autorités canadiennes, anglaises, françaises et d’une foule de 500 personnes. Elle se déroule sur le stade de Saint-Sauvier et près de la stèle érigée en l’honneur de Louis-Max Lavallée à qui les honneurs sont rendus. René Chambareau rappelle le crash et les événements qui ont suivi ; de son côté, le général Mairal évoque le rôle de la Résistance à Saint-Sauvier et dans le monde rural.

La tribune officielle – Source : André Poulet

Le 13 septembre 2001, à Saint-Sauvier, la place Louis-Max Lavallée est inaugurée en présence de huit membres de la famille de l’aviateur canadien, d’Hathaway, de représentants d’associations d’anciens combattants et des autorités. Le commandant Dickson représente la Grande-Bretagne, le capitaine de frégate Holt, le Canada. Dans son allocution, le général Mairal partage avec les participants les souvenirs qu’il garde de la nuit du crash. Des érables sont plantés sur la route de Mesples, afin de rappeler l’engagement des soldats canadiens pendant la guerre.

Plaque de la place de la commune de Saint-Sauvier – Source : André Poulet

Inauguration Place Louis-Max Lavallée, 13 septembre 2001De gauche à droite : M. John Lavallée, son épouse, Mme Colette Anderson, Jerri Anderson.John et Colette sont frère et sœur de Louis-Max. Source : André Poulet

Si la Résistance montluçonnaise et bourbonnaise doit beaucoup au groupe de Saint-Sauvier, la mort de Louis-Max Lavallée a permis de rappeler les sacrifices des Alliés dans la lutte contre l’Allemagne nazie.

Stèle au cimetière militaire de Choloy.
Source :  André Poulet

Stèle Louis-Max Lavallée, Saint-Sauvier, juillet 2022 Source : André Poulet

Sitographie et bibliographie :

La Resistance Francaise: Crash de l’Halifax DK119 le 23 juillet 1943 à Saint-Sauvier (03)
BBC – WW2 People’s War – RAF 161 Squadron (fonctions spéciales) Une histoire d’anciens combattants
Alain Godignon, « Crash de l’avion anglais Halifax DK119 le 23 juillet 1943 à Saint-Sauvier », Le Grimoire des pays d’Huriel, Cercle d’Histoire vivante, 2019, p.11-15.
A. Gourbeix et L. Micheau, Montluçon sous la botte allemande, Imprimerie du Centre, 1945.
Nicole Pierre-Poulet, André Poulet et Sylvie Schwaab, Entre Berry et Bourbonnais, Saint-Sauvier, décembre 2019.
André Touret, Montluçon 1940-1944 : la mémoire retrouvée, Editions Créer, Nonette, 2001.

Mme Beroud chez elle, en juillet 2022
Source : André Poulet


[1] Mme Beroud est née à Paris, dans le 11e arrondissement, le 5 décembre 1931, sous le nom de Jeanine Zgarka. Elle reste à Peumant jusqu’à la Libération. Renseignements transmis par Mme Nicole Poulet.

[2] Émile Mairal, né en 1918 à Saint-Victor et décédé en 2008 à Montluçon, a fait une brillante carrière dans l’armée. Promu général en 1970, commandeur dans l’ordre de la Légion d’Honneur, président des Médaillés de la Résistance de l’Allier, il a reçu en 2005 les insignes de Grand-Croix de l’Ordre National du Mérite des mains du Président de la République, Jacques Chirac. Le général, passionné d’histoire, était très attaché à la mémoire de la Résistance ; il a été président du Comité Départemental de l’Allier du Concours National de la Résistance et de la Déportation de 1993 à 2007.

[3] Fils d’un viticulteur de Mireval (Hérault), Adrien Aymes fuit le STO ; envoyé par son père à Saint-Sauvier, il est hébergé chez Adèle et Henri Pierre à la Croix Blanche.

[4] A qui on doit une photographie de l’avion après le crash.

[5] Henri Dubouchet, dit Riton, chef de groupe.

[6] Francisco Saez, « Franco », réfugié espagnol.

[7] Jean Gaulier, dit « Sylvain », employé municipal de Montluçon.

[8] Camille Rougeron dit « Clément », agent de police.

[9] Ernesto Martolini, « Benito », réfugié italien.

[10] Henri Cholin ou « Riri ».

[11] Auguste Chaulier ou « Gust ».

[12] Emile Romaine, « Mimile », cultivateur au Breuil.

[13] Sud-Est de l’Angleterre.

[14] Lavallée a 23 ans lors du crash. Sa mère, d’origine française, est née dans le Puy-de-Dôme. Elle a connu son père pendant la Première Guerre mondiale.

[15] René Degrève alias « Claude », est chef de terrain. Il est accompagné de Jean Gaulier, alias « Sylvain », et de Camille Rougeron, Auguste Chaulier, Henri Dubouchet, Henri Cholin, Émile Romaine, Fernando Saez, Ernesto Martolini.

[16] La carrière de Goutte-Chave ou le bois de Sugères, par exemple.

[17] Ils vont être conduits par la suite à l’hôpital de Clermont-Ferrand.

[18] Jean Dutheil est né en 1921 à La Vierne (Saint-Sauvier). Il est mort en déportation le 6 mai 1945.

[19] La scène se passe à Lignerolles, entre Lavault-Sainte-Anne et Teillet-Argenty, au sud-ouest de Montluçon. Renseignements fournis par Mme Renée Fargin, épouse de Claude. Voir aussi la demande de carte de combattant volontaire de la Résistance (faite le 1er décembre 1953 par L. Fargin).

[20] En 1952, le corps de Louis-Max Lavallée est exhumé pour être transféré au cimetière militaire du Commonwealth de Choloy (Meurthe-et-Moselle).

[21] René Chambareau (1931-2010).

Louis-Max Lavallée & Saint-Sauvier

4 février 2023
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l’histoire d’une amitié franco-canadienne

Située aux confins de l’Allier, la commune de Saint-Sauvier est constituée d’un gros bourg et de plusieurs hameaux, comme Peumant ou Sugères. En 1936, elle comptait 863 habitants. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a abrité un groupe de résistants déterminés qui réceptionnaient, en particulier, les parachutages nécessaires au développement des maquis. Le 23 juillet 1943, un avion allié s’est écrasé sur un terrain situé à deux kilomètres du bourg ; un membre canadien de l’équipage a trouvé la mort dans le crash. Les commémorations en l’honneur de Louis-Max Lavallée ont permis de resserrer les liens entre la France et le Canada.

La situation géographique de la commune de Saint-Sauvier explique sans aucun doute le rôle qu’elle a joué dans l’histoire de la Résistance, mais il n’en aurait rien été sans la solidarité et le courage de ses habitants.

Saint-Sauvier, terre d’accueil


Caty,  à l’arrière-plan sur cette photo (avec les enfants Cholin entourant leur grand-mère)Source : Mme Beroud

A la fin des années 1930, la commune accueille de nombreux réfugiés espagnols. D’autres personnes, venues du Nord ou de l’Est de la France, trouvent refuge à Saint-Sauvier après la débâcle de l’armée française. Des liens très forts se nouent entre les réfugiés et les habitants de la commune. La famille de Madame Caty Beroud[1] arrive à Saint-Sauvier en décembre 1942, après avoir fui la rafle du Vel’ d’Hiv’. Elle trouve refuge chez des agriculteurs de Peumant, Julienne et Henri Cholin. Le frère de Caty, Albert, entre dans la Résistance, à Montluçon, sous les ordres du capitaine « Michel »[2], Emile Mairal, le frère du secrétaire de mairie et instituteur de Saint-Sauvier, Paul Mairal. Caty a onze ans et va à l’école avec le fils de ses hôtes, Jean Cholin. Le curé accepte qu’elle fasse sa communion en mai 1943, même s’il n’est pas dupe de la situation de la petite fille. Le facteur redoute les lettres de dénonciation.

Les habitants de Saint-Sauvier accueillent aussi ceux qui fuient le travail forcé en Allemagne. Après la grande manifestation montluçonnaise du 6 janvier 1943 contre le départ des requis pour l’Allemagne, les organisateurs et les requis en fuite sont poursuivis. Pierre Kaan, repéré à la manifestation par les autorités, ne peut rester à Montluçon ; il trouve refuge à Saint-Sauvier, plus exactement à La Vierne, auprès de la famille Dutheil. Paul Mairal joue un rôle important dans l’aide apportée aux jeunes réfractaires au STO, le Service du Travail Obligatoire mis en place en février 1943. Les hameaux de la commune abritent plusieurs de ces derniers : La Ribbe et la Croix Blanche cachent Adrien Aymes[3] ; Vieille-Vigne, Pierre Casiali[4] et Noël Ruter.

Saint-Sauvier, terre de Résistance

Henri CHOLIN
Source : famille Cholin-Ranoux

Auguste CHAULIER
Source : famille Dodat

Henri Cholin et Paul Mairal sont très actifs dans la Résistance. De fait, la commune de Saint-Sauvier est assez isolée et convient bien aux activités clandestines menées par le groupe d’Henri Dubouchet[5]. « Riton » tient une épicerie et un café à Saint-Sauvier et c’est souvent chez lui qu’ont lieu les réunions. Le groupe dépend du réseau Action R6 de Clermont-Ferrand. Il comprend des habitants de la commune de Saint-Sauvier, mais certains peuvent venir de plus loin : Francisco Saez[6] habite Montluçon, tout comme Jean Gaulier[7] et Camille Rougeron[8] ; Ernesto Martoloni[9] vient de Saint-Marien. Parmi les habitants de la commune, on trouve, outre Cholin[10] et Dubouchet, Auguste Chaulier[11] et Emile Romaine[12].

Ce groupe de résistants réceptionne les conteneurs parachutés par les avions alliés. Le Montluçonnais, situé à la limite du rayon d’action des avions venus d’Angleterre, est, en effet, une région favorable aux parachutages. Saint-Sauvier, commune de l’Allier placée à la limite de la Creuse et du Cher, ne peut que retenir l’attention des Alliés. En 1943, les parachutages s’intensifient avec le développement des maquis à qui les Alliés fournissent matériel et armes.

Dans la nuit du 22 au 23 juillet 1943, un avion de la Royal Air Force s’écrase après avoir largué plusieurs conteneurs sur le terrain Wrangel. Sur ses huit occupants, on compte un mort et trois blessés. Les résistants viennent au secours de l’équipage et favorisent la fuite de cinq de ses membres.

Le crash

Le 22 juillet 1943, la BBC diffuse un message destiné au comité de réception de Saint-Sauvier ; un parachutage va avoir lieu. L’Halifax DK 119 décolle vers 23 h 40 de Tempsford dans le Bedfordshire[13]. L’équipage se compose de trois Canadiens et de cinq Anglais. Louis-Max Lavallée, chef de bord et mitrailleur arrière, Raymond Orville Hunter, mécanicien, et Tass Joe Kanakos, mitrailleur, sont de la Royal Canadian Air Force. Donald Crome, pilote, Stanley F. Hathaway, navigateur, David Gordon Patterson, bombardier, Robert William Paulin, radio, et Edward Arthur Allen, mitrailleur-dispatcher, appartiennent à la Royal Air Force. 

Crash de l’Halifax RAF 23 juillet 1943, auteur inconnu. Source : famille Dodat

S. Hathaway – BBC

Cette nuit-là, il y a des orages et de fortes pluies. Trois parachutages sont prévus. Les deux premières opérations se passent bien, mais pour la troisième l’avion doit survoler trois fois la zone de largage de Saint-Sauvier avant que l’équipage arrive à repérer les feux de signalisation et à parachuter les conteneurs restants. Il est trois heures vingt-cinq. Un moteur cale, l’avion heurte un arbre et s’écrase. Si quatre membres de l’équipage sont indemnes, Patterson seulement légèrement blessé, Hathaway et Allen le sont beaucoup plus grièvement et Lavallée[14], écrasé par la tourelle supportant quatre mitrailleuses, meurt sur le coup. Le comité de réception[15] prend rapidement l’équipage en charge. Les conteneurs sont vidés et jetés dans l’étang voisin de la Romagère. Les armes récupérées sont cachées dans divers endroits[16]. 

Une prise en charge délicate

Louis Max LAVALLEE
Source : famille Lavallée

Un réfugié belge, M. Lallemand, parle anglais. Il sert d’interprète auprès des membres de l’équipage.  Allen est blessé aux jambes, comme Hathaway, qui souffre aussi de plaies à la tête et d’une fracture au bassin. Ils sont intransportables. Les résistants les mettent à l’abri, couverts par des parachutes, sous une aile de l’avion. Henri Cholin leur fait boire un verre de rhum. Deux femmes veillent sur eux jusqu’à l’arrivée des autorités. Vers 5 heures, René Degrève et Jean Gaulier quittent le terrain avec les quatre membres de l’équipage indemnes ; ils partent en direction de Montluçon. Trois quarts d’heure plus tard, c’est à bord de la voiture d’Henri Dubouchet, que Patterson, légèrement blessé, part à son tour pour Montluçon. Conduit chez Camille Rougeron, il reçoit les soins du docteur Louis Contamine. Vers 8 heures, les gendarmes sont sur les lieux du crash. Les Allemands arrivent plus tard. Allen et Hathaway, à qui le docteur Roguet de Treignat a déjà fait une piqûre de morphine, sont alors transportés à l’infirmerie de la caserne Richemont de Montluçon[17]. Jean Dutheil[18], un jeune du village, est obligé de descendre dans l’étang afin de récupérer les conteneurs qui s’y trouvent. Pour finir, la décision est prise de vider complètement l’étang.

Les retours vers l’Angleterre

Claude Fargin a sept ans lors de ces événements. Il est le fils de Louis Fargin, employé municipal de Montluçon, très actif dans la réception des parachutages alliés dans l’Allier et le Puy-de-Dôme. Claude a rapporté, plus tard, avoir joué avec deux des aviateurs de l’Halifax chez ses grands-parents [19]. Ce témoignage montre que les différents groupes de résistants se sont entendus pour exfiltrer les membres de l’équipage. C’est grâce à toute une chaîne de solidarités que cinq des aviateurs ont pu regagner l’Angleterre.

Patterson est soigné environ une semaine chez Camille Rougeron, avant de séjourner chez M. et Mme Maurice Germain, avenue des Étourneaux à Montluçon, puis chez M. et Mme Chicois, à Teillet-Argenty. Il rejoint, ensuite, le département de Saône-et-Loire. Il est exfiltré vers l’Angleterre dans la nuit du 23 au 24 août 1943.

René Degrève confie les aviateurs indemnes à Lucien Lépine, alias « Barbouillé ». Celui-ci est originaire d’Ayat-sur-Sioule (Puy-de-Dôme). C’est donc dans cette commune, où il a d’ailleurs créé un maquis, qu’il mène les quatre hommes. Ils y sont accueillis par Alexis Berthon et son épouse dans leur ferme des Bougets. Ils trouvent ensuite refuge à la Côte de l’Âne, toujours à Ayat, puis à Gelles. En septembre, ils sont hébergés par le maquis « Duranton » de Marius Pireyre, à environ deux kilomètres de Giat, où ils sont rejoints par quatre membres de l’équipage du Halifax qui s’est écrasé dans la nuit du 15 au 16 septembre 1943 en Forêt de Tronçais. Le 14 octobre, Hunter, Kanakos et Paulin partent avec deux membres de l’autre équipage pour Clermont-Ferrand où ils prennent le train pour Angoulême (Charente). Pris en charge par la résistance locale, ils sont hébergés pendant plusieurs semaines à Ronfleville, commune de Malaville, à 25 kilomètres d’Angoulême. Crome les rejoint. Ce n’est que le 16 novembre qu’ils peuvent regagner l’Angleterre à partir du terrain « Albatros », placé sur la commune d’Angeac-Charente.

Les aviateurs alliés réfugiés au Maquis « Duranton » près de Giat Accroupis de g. à dr : R.W. Paulin, un Français, R.O. Hunter.2e rang debout : D.Crome, un Français, T.J. Kanakos, Ch. Heyworth.   Source Keith Paulin/ Alain Godignon

Les funérailles de Louis-Max Lavallée donnent lieu, le 24 juillet 1943, à une manifestation importante de la population montluçonnaise contre l’occupant. Les commémorations de 1993 et 2001 rappellent les circonstances de la mort du jeune Canadien et permettent de tisser de nouveaux liens d’amitié entre la France et le Canada.

Des funérailles agitées

Le corps de Louis-Max Lavallée est conduit à la morgue de l’hôpital de Montluçon où il est mis en bière. Les obsèques ont lieu le 24 juillet. Une foule nombreuse attend à proximité de l’hôpital. A 17 h, quatre soldats allemands portent le cercueil jusqu’au corbillard placé devant l’hôpital. Les honneurs militaires sont rendus à Lavallée. Le cortège officiel, composé de soldats allemands, de la police française et d’un délégué suisse, part ensuite de l’hôpital pour se rendre au cimetière de l’Est[20]. La police tient la foule à distance du cercueil. Près du cimetière, on entend La Marseillaise et God Save The King. La situation devient vraiment critique lorsque les Allemands, après avoir rendu les derniers honneurs à Lavallée, sortent du cimetière. La foule leur tourne le dos et se met à chanter La Marseillaise. L’officier supérieur allemand fait tirer ses hommes en l’air pour intimider les manifestants. Après le départ des soldats, la foule entre dans le cimetière et jette la couronne de fleurs des autorités allemandes par-dessus le mur. Le lendemain, les Montluçonnais viennent déposer des fleurs sur la tombe de Lavallée. Le sous-préfet et le maire, convoqués par le commandant de la garnison allemande, arrivent à apaiser la colère de ce dernier.

Les funérailles de Louis-Max LAVALLEE
Source : Musée de la Résistance à Montluçon

La tombe de Louis-Max LAVALLEE
Source : Musée de la Résistance à Montluçon

Les commémorations

En 1946, une stèle est élevée en l’honneur de Louis-Max Lavallée, près du lieu du crash, sur la route reliant Saint-Sauvier à Mesples, en face du chemin de Vigout. La stèle est brisée sur le côté gauche, afin de symboliser la jeunesse du défunt. 

Henri DUBOUCHET
et sa fille Hélène

Commémoration en juillet 1946
Source : famille Dubouchet

Un historien local, René Chambareau[21], joue un rôle important dans la reconstitution de l’histoire du crash de Saint-Sauvier. Cet ancien dessinateur technique de la Sagem, a passé beaucoup de temps et d’énergie à promouvoir le patrimoine local et le canal de Berry. Très marqué par son passage dans l’aviation canadienne, il ne peut qu’être sensible à l’événement du 23 juillet 1943. Par l’intermédiaire d’un magazine de l’Association de la RAF, il cherche à retrouver les membres survivants de l’équipage de l’Halifax DK 119. C’est ainsi qu’il entre en contact avec Stanley Hathaway. René Chambareau participe activement à la préparation de la commémoration du cinquantième anniversaire de la mort de Louis-Max Lavallée, initiée par Madame Marie-Thérèse Rougeron, maire de la commune.

Cinquantenaire : juillet 1993 – Source André Poulet

La tribune officielle  Source : André Poulet

Le 24 juillet 1993, une manifestation officielle très importante a donc lieu, en présence d’Henri Cholin et de son épouse, de Camille Rougeron, d’Hathaway, de Kanakos, de la famille de Lavallée, de l’association France-Canada de Montluçon, des autorités canadiennes, anglaises, françaises et d’une foule de 500 personnes. Elle se déroule sur le stade de Saint-Sauvier et près de la stèle érigée en l’honneur de Louis-Max Lavallée à qui les honneurs sont rendus. René Chambareau rappelle le crash et les événements qui ont suivi ; de son côté, le général Mairal évoque le rôle de la Résistance à Saint-Sauvier et dans le monde rural.

La tribune officielle  Source : André Poulet

Le 13 septembre 2001, à Saint-Sauvier, la place Louis-Max Lavallée est inaugurée en présence de huit membres de la famille de l’aviateur canadien, d’Hathaway, de représentants d’associations d’anciens combattants et des autorités. Le commandant Dickson représente la Grande-Bretagne, le capitaine de frégate Holt, le Canada. Dans son allocution, le général Mairal partage avec les participants les souvenirs qu’il garde de la nuit du crash. Des érables sont plantés sur la route de Mesples, afin de rappeler l’engagement des soldats canadiens pendant la guerre.

Plaque de la place de la commune de Saint-Sauvier – Source : André Poulet

Inauguration Place Louis-Max Lavallée, 13 septembre 2001De gauche à droite : M. John Lavallée, son épouse, Mme Colette Anderson, Jerri Anderson.John et Colette sont frère et sœur de Louis-Max. Source : André Poulet

Si la Résistance montluçonnaise et bourbonnaise doit beaucoup au groupe de Saint-Sauvier, la mort de Louis-Max Lavallée a permis de rappeler les sacrifices des Alliés dans la lutte contre l’Allemagne nazie.

Stèle au cimetière militaire de Choloy.
Source :  André Poulet

Stèle Louis-Max Lavallée, Saint-Sauvier, juillet 2022 Source : André Poulet

Sitographie et bibliographie :

La Resistance Francaise: Crash de l’Halifax DK119 le 23 juillet 1943 à Saint-Sauvier (03)
BBC – WW2 People’s War – RAF 161 Squadron (fonctions spéciales) Une histoire d’anciens combattants
Alain Godignon, « Crash de l’avion anglais Halifax DK119 le 23 juillet 1943 à Saint-Sauvier », Le Grimoire des pays d’Huriel, Cercle d’Histoire vivante, 2019, p.11-15.
A. Gourbeix et L. Micheau, Montluçon sous la botte allemande, Imprimerie du Centre, 1945.
Nicole Pierre-Poulet, André Poulet et Sylvie Schwaab, Entre Berry et Bourbonnais, Saint-Sauvier, décembre 2019.
André Touret, Montluçon 1940-1944 : la mémoire retrouvée, Editions Créer, Nonette, 2001.

Mme Beroud chez elle, en juillet 2022
Source : André Poulet


Suzel CROUZET & Nicole POULET

[1] Mme Beroud est née à Paris, dans le 11e arrondissement, le 5 décembre 1931, sous le nom de Jeanine Zgarka. Elle reste à Peumant jusqu’à la Libération. Renseignements transmis par Mme Nicole Poulet.

[2] Émile Mairal, né en 1918 à Saint-Victor et décédé en 2008 à Montluçon, a fait une brillante carrière dans l’armée. Promu général en 1970, commandeur dans l’ordre de la Légion d’Honneur, président des Médaillés de la Résistance de l’Allier, il a reçu en 2005 les insignes de Grand-Croix de l’Ordre National du Mérite des mains du Président de la République, Jacques Chirac. Le général, passionné d’histoire, était très attaché à la mémoire de la Résistance ; il a été président du Comité Départemental de l’Allier du Concours National de la Résistance et de la Déportation de 1993 à 2007.

[3] Fils d’un viticulteur de Mireval (Hérault), Adrien Aymes fuit le STO ; envoyé par son père à Saint-Sauvier, il est hébergé chez Adèle et Henri Pierre à la Croix Blanche.

[4] A qui on doit une photographie de l’avion après le crash.

[5] Henri Dubouchet, dit Riton, chef de groupe.

[6] Francisco Saez, « Franco », réfugié espagnol.

[7] Jean Gaulier, dit « Sylvain », employé municipal de Montluçon.

[8] Camille Rougeron dit « Clément », agent de police.

[9] Ernesto Martolini, « Benito », réfugié italien.

[10] Henri Cholin ou « Riri ».

[11] Auguste Chaulier ou « Gust ».

[12] Emile Romaine, « Mimile », cultivateur au Breuil.

[13] Sud-Est de l’Angleterre.

[14] Lavallée a 23 ans lors du crash. Sa mère, d’origine française, est née dans le Puy-de-Dôme. Elle a connu son père pendant la Première Guerre mondiale.

[15] René Degrève alias « Claude », est chef de terrain. Il est accompagné de Jean Gaulier, alias « Sylvain », et de Camille Rougeron, Auguste Chaulier, Henri Dubouchet, Henri Cholin, Émile Romaine, Fernando Saez, Ernesto Martolini.

[16] La carrière de Goutte-Chave ou le bois de Sugères, par exemple.

[17] Ils vont être conduits par la suite à l’hôpital de Clermont-Ferrand.

[18] Jean Dutheil est né en 1921 à La Vierne (Saint-Sauvier). Il est mort en déportation le 6 mai 1945.

[19] La scène se passe à Lignerolles, entre Lavault-Sainte-Anne et Teillet-Argenty, au sud-ouest de Montluçon. Renseignements fournis par Mme Renée Fargin, épouse de Claude. Voir aussi la demande de carte de combattant volontaire de la Résistance (faite le 1er décembre 1953 par L. Fargin).

[20] En 1952, le corps de Louis-Max Lavallée est exhumé pour être transféré au cimetière militaire du Commonwealth de Choloy (Meurthe-et-Moselle).

[21] René Chambareau (1931-2010).

Louis-Max Lavallée & Saint-Sauvier

4 février 2023
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Article rédigé par Suzel Crouzet

(Musée Résistance, Montluçon)

l’histoire d’une amitié franco-canadienne

Située aux confins de l’Allier, la commune de Saint-Sauvier est constituée d’un gros bourg et de plusieurs hameaux, comme Peumant ou Sugères. En 1936, elle comptait 863 habitants. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a abrité un groupe de résistants déterminés qui réceptionnaient, en particulier, les parachutages nécessaires au développement des maquis. Le 23 juillet 1943, un avion allié s’est écrasé sur un terrain situé à deux kilomètres du bourg ; un membre canadien de l’équipage a trouvé la mort dans le crash. Les commémorations en l’honneur de Louis-Max Lavallée ont permis de resserrer les liens entre la France et le Canada.

La situation géographique de la commune de Saint-Sauvier explique sans aucun doute le rôle qu’elle a joué dans l’histoire de la Résistance, mais il n’en aurait rien été sans la solidarité et le courage de ses habitants.

Saint-Sauvier, terre d’accueil

Caty,  à l’arrière-plan sur cette photo (avec les enfants Cholin entourant leur grand-mère)
Source : Mme Beroud

A la fin des années 1930, la commune accueille de nombreux réfugiés espagnols. D’autres personnes, venues du Nord ou de l’Est de la France, trouvent refuge à Saint-Sauvier après la débâcle de l’armée française. Des liens très forts se nouent entre les réfugiés et les habitants de la commune. La famille de Madame Caty Beroud[1] arrive à Saint-Sauvier en décembre 1942, après avoir fui la rafle du Vel’ d’Hiv’. Elle trouve refuge chez des agriculteurs de Peumant, Julienne et Henri Cholin. Le frère de Caty, Albert, entre dans la Résistance, à Montluçon, sous les ordres du capitaine « Michel »[2], Emile Mairal, le frère du secrétaire de mairie et instituteur de Saint-Sauvier, Paul Mairal. Caty a onze ans et va à l’école avec le fils de ses hôtes, Jean Cholin. Le curé accepte qu’elle fasse sa communion en mai 1943, même s’il n’est pas dupe de la situation de la petite fille. Le facteur redoute les lettres de dénonciation.

Les habitants de Saint-Sauvier accueillent aussi ceux qui fuient le travail forcé en Allemagne. Après la grande manifestation montluçonnaise du 6 janvier 1943 contre le départ des requis pour l’Allemagne, les organisateurs et les requis en fuite sont poursuivis. Pierre Kaan, repéré à la manifestation par les autorités, ne peut rester à Montluçon ; il trouve refuge à Saint-Sauvier, plus exactement à La Vierne, auprès de la famille Dutheil. Paul Mairal joue un rôle important dans l’aide apportée aux jeunes réfractaires au STO, le Service du Travail Obligatoire mis en place en février 1943. Les hameaux de la commune abritent plusieurs de ces derniers : La Ribbe et la Croix Blanche cachent Adrien Aymes[3] ; Vieille-Vigne, Pierre Casiali[4] et Noël Ruter.

Saint-Sauvier, terre de Résistance

Henri CHOLIN
Source : famille Cholin-Ranoux

Auguste CHAULIER
Source : famille Dodat

Henri Cholin et Paul Mairal sont très actifs dans la Résistance. De fait, la commune de Saint-Sauvier est assez isolée et convient bien aux activités clandestines menées par le groupe d’Henri Dubouchet[5]. « Riton » tient une épicerie et un café à Saint-Sauvier et c’est souvent chez lui qu’ont lieu les réunions. Le groupe dépend du réseau Action R6 de Clermont-Ferrand. Il comprend des habitants de la commune de Saint-Sauvier, mais certains peuvent venir de plus loin : Francisco Saez[6] habite Montluçon, tout comme Jean Gaulier[7] et Camille Rougeron[8] ; Ernesto Martoloni[9] vient de Saint-Marien. Parmi les habitants de la commune, on trouve, outre Cholin[10] et Dubouchet, Auguste Chaulier[11] et Emile Romaine[12].

Ce groupe de résistants réceptionne les conteneurs parachutés par les avions alliés. Le Montluçonnais, situé à la limite du rayon d’action des avions venus d’Angleterre, est, en effet, une région favorable aux parachutages. Saint-Sauvier, commune de l’Allier placée à la limite de la Creuse et du Cher, ne peut que retenir l’attention des Alliés. En 1943, les parachutages s’intensifient avec le développement des maquis à qui les Alliés fournissent matériel et armes.

Dans la nuit du 22 au 23 juillet 1943, un avion de la Royal Air Force s’écrase après avoir largué plusieurs conteneurs sur le terrain Wrangel. Sur ses huit occupants, on compte un mort et trois blessés. Les résistants viennent au secours de l’équipage et favorisent la fuite de cinq de ses membres.

Le crash

Le 22 juillet 1943, la BBC diffuse un message destiné au comité de réception de Saint-Sauvier ; un parachutage va avoir lieu. L’Halifax DK 119 décolle vers 23 h 40 de Tempsford dans le Bedfordshire[13]. L’équipage se compose de trois Canadiens et de cinq Anglais. Louis-Max Lavallée, chef de bord et mitrailleur arrière, Raymond Orville Hunter, mécanicien, et Tass Joe Kanakos, mitrailleur, sont de la Royal Canadian Air Force. Donald Crome, pilote, Stanley F. Hathaway, navigateur, David Gordon Patterson, bombardier, Robert William Paulin, radio, et Edward Arthur Allen, mitrailleur-dispatcher, appartiennent à la Royal Air Force. 

Crash de l’Halifax RAF 23 juillet 1943, auteur inconnu. Source : famille Dodat

S. Hathaway – BBC

Cette nuit-là, il y a des orages et de fortes pluies. Trois parachutages sont prévus. Les deux premières opérations se passent bien, mais pour la troisième l’avion doit survoler trois fois la zone de largage de Saint-Sauvier avant que l’équipage arrive à repérer les feux de signalisation et à parachuter les conteneurs restants. Il est trois heures vingt-cinq. Un moteur cale, l’avion heurte un arbre et s’écrase. Si quatre membres de l’équipage sont indemnes, Patterson seulement légèrement blessé, Hathaway et Allen le sont beaucoup plus grièvement et Lavallée[14], écrasé par la tourelle supportant quatre mitrailleuses, meurt sur le coup. Le comité de réception[15] prend rapidement l’équipage en charge. Les conteneurs sont vidés et jetés dans l’étang voisin de la Romagère. Les armes récupérées sont cachées dans divers endroits[16]. 

Une prise en charge délicate

Louis Max LAVALLEE
Source : famille Lavallée

Un réfugié belge, M. Lallemand, parle anglais. Il sert d’interprète auprès des membres de l’équipage.  Allen est blessé aux jambes, comme Hathaway, qui souffre aussi de plaies à la tête et d’une fracture au bassin. Ils sont intransportables. Les résistants les mettent à l’abri, couverts par des parachutes, sous une aile de l’avion. Henri Cholin leur fait boire un verre de rhum. Deux femmes veillent sur eux jusqu’à l’arrivée des autorités. Vers 5 heures, René Degrève et Jean Gaulier quittent le terrain avec les quatre membres de l’équipage indemnes ; ils partent en direction de Montluçon. Trois quarts d’heure plus tard, c’est à bord de la voiture d’Henri Dubouchet, que Patterson, légèrement blessé, part à son tour pour Montluçon. Conduit chez Camille Rougeron, il reçoit les soins du docteur Louis Contamine. Vers 8 heures, les gendarmes sont sur les lieux du crash. Les Allemands arrivent plus tard. Allen et Hathaway, à qui le docteur Roguet de Treignat a déjà fait une piqûre de morphine, sont alors transportés à l’infirmerie de la caserne Richemont de Montluçon[17]. Jean Dutheil[18], un jeune du village, est obligé de descendre dans l’étang afin de récupérer les conteneurs qui s’y trouvent. Pour finir, la décision est prise de vider complètement l’étang.

Les retours vers l’Angleterre

Claude Fargin a sept ans lors de ces événements. Il est le fils de Louis Fargin, employé municipal de Montluçon, très actif dans la réception des parachutages alliés dans l’Allier et le Puy-de-Dôme. Claude a rapporté, plus tard, avoir joué avec deux des aviateurs de l’Halifax chez ses grands-parents [19]. Ce témoignage montre que les différents groupes de résistants se sont entendus pour exfiltrer les membres de l’équipage. C’est grâce à toute une chaîne de solidarités que cinq des aviateurs ont pu regagner l’Angleterre.

Patterson est soigné environ une semaine chez Camille Rougeron, avant de séjourner chez M. et Mme Maurice Germain, avenue des Étourneaux à Montluçon, puis chez M. et Mme Chicois, à Teillet-Argenty. Il rejoint, ensuite, le département de Saône-et-Loire. Il est exfiltré vers l’Angleterre dans la nuit du 23 au 24 août 1943.

René Degrève confie les aviateurs indemnes à Lucien Lépine, alias « Barbouillé ». Celui-ci est originaire d’Ayat-sur-Sioule (Puy-de-Dôme). C’est donc dans cette commune, où il a d’ailleurs créé un maquis, qu’il mène les quatre hommes. Ils y sont accueillis par Alexis Berthon et son épouse dans leur ferme des Bougets. Ils trouvent ensuite refuge à la Côte de l’Âne, toujours à Ayat, puis à Gelles. En septembre, ils sont hébergés par le maquis « Duranton » de Marius Pireyre, à environ deux kilomètres de Giat, où ils sont rejoints par quatre membres de l’équipage du Halifax qui s’est écrasé dans la nuit du 15 au 16 septembre 1943 en Forêt de Tronçais. Le 14 octobre, Hunter, Kanakos et Paulin partent avec deux membres de l’autre équipage pour Clermont-Ferrand où ils prennent le train pour Angoulême (Charente). Pris en charge par la résistance locale, ils sont hébergés pendant plusieurs semaines à Ronfleville, commune de Malaville, à 25 kilomètres d’Angoulême. Crome les rejoint. Ce n’est que le 16 novembre qu’ils peuvent regagner l’Angleterre à partir du terrain « Albatros », placé sur la commune d’Angeac-Charente.

Les aviateurs alliés réfugiés au Maquis « Duranton » près de Giat Accroupis de g. à dr : R.W. Paulin, un Français, R.O. Hunter.2e rang debout : D.Crome, un Français, T.J. Kanakos, Ch. Heyworth.   Source Keith Paulin/ Alain Godignon

Les funérailles de Louis-Max Lavallée donnent lieu, le 24 juillet 1943, à une manifestation importante de la population montluçonnaise contre l’occupant. Les commémorations de 1993 et 2001 rappellent les circonstances de la mort du jeune Canadien et permettent de tisser de nouveaux liens d’amitié entre la France et le Canada.

Des funérailles agitées

Le corps de Louis-Max Lavallée est conduit à la morgue de l’hôpital de Montluçon où il est mis en bière. Les obsèques ont lieu le 24 juillet. Une foule nombreuse attend à proximité de l’hôpital. A 17 h, quatre soldats allemands portent le cercueil jusqu’au corbillard placé devant l’hôpital. Les honneurs militaires sont rendus à Lavallée. Le cortège officiel, composé de soldats allemands, de la police française et d’un délégué suisse, part ensuite de l’hôpital pour se rendre au cimetière de l’Est[20]. La police tient la foule à distance du cercueil. Près du cimetière, on entend La Marseillaise et God Save The King. La situation devient vraiment critique lorsque les Allemands, après avoir rendu les derniers honneurs à Lavallée, sortent du cimetière. La foule leur tourne le dos et se met à chanter La Marseillaise. L’officier supérieur allemand fait tirer ses hommes en l’air pour intimider les manifestants. Après le départ des soldats, la foule entre dans le cimetière et jette la couronne de fleurs des autorités allemandes par-dessus le mur. Le lendemain, les Montluçonnais viennent déposer des fleurs sur la tombe de Lavallée. Le sous-préfet et le maire, convoqués par le commandant de la garnison allemande, arrivent à apaiser la colère de ce dernier.

Les funérailles de Louis-Max LAVALLEE
Source : Musée de la Résistance à Montluçon

La tombe de Louis-Max LAVALLEE
Source : Musée de la Résistance à Montluçon

Les commémorations

En 1946, une stèle est élevée en l’honneur de Louis-Max Lavallée, près du lieu du crash, sur la route reliant Saint-Sauvier à Mesples, en face du chemin de Vigout. La stèle est brisée sur le côté gauche, afin de symboliser la jeunesse du défunt. 

Henri DUBOUCHET
et sa fille Hélène

Commémoration en juillet 1946
Source : famille Dubouchet

Un historien local, René Chambareau[21], joue un rôle important dans la reconstitution de l’histoire du crash de Saint-Sauvier. Cet ancien dessinateur technique de la Sagem, a passé beaucoup de temps et d’énergie à promouvoir le patrimoine local et le canal de Berry. Très marqué par son passage dans l’aviation canadienne, il ne peut qu’être sensible à l’événement du 23 juillet 1943. Par l’intermédiaire d’un magazine de l’Association de la RAF, il cherche à retrouver les membres survivants de l’équipage de l’Halifax DK 119. C’est ainsi qu’il entre en contact avec Stanley Hathaway. René Chambareau participe activement à la préparation de la commémoration du cinquantième anniversaire de la mort de Louis-Max Lavallée, initiée par Madame Marie-Thérèse Rougeron, maire de la commune.

Cinquantenaire : juillet 1993 – Source André Poulet

Le 24 juillet 1993, une manifestation officielle très importante a donc lieu, en présence d’Henri Cholin et de son épouse, de Camille Rougeron, d’Hathaway, de Kanakos, de la famille de Lavallée, de l’association France-Canada de Montluçon, des autorités canadiennes, anglaises, françaises et d’une foule de 500 personnes. Elle se déroule sur le stade de Saint-Sauvier et près de la stèle érigée en l’honneur de Louis-Max Lavallée à qui les honneurs sont rendus. René Chambareau rappelle le crash et les événements qui ont suivi ; de son côté, le général Mairal évoque le rôle de la Résistance à Saint-Sauvier et dans le monde rural.

La tribune officielle – Source : André Poulet

Le 13 septembre 2001, à Saint-Sauvier, la place Louis-Max Lavallée est inaugurée en présence de huit membres de la famille de l’aviateur canadien, d’Hathaway, de représentants d’associations d’anciens combattants et des autorités. Le commandant Dickson représente la Grande-Bretagne, le capitaine de frégate Holt, le Canada. Dans son allocution, le général Mairal partage avec les participants les souvenirs qu’il garde de la nuit du crash. Des érables sont plantés sur la route de Mesples, afin de rappeler l’engagement des soldats canadiens pendant la guerre.

Plaque de la place de la commune de Saint-Sauvier – Source : André Poulet

Inauguration Place Louis-Max Lavallée, 13 septembre 2001De gauche à droite : M. John Lavallée, son épouse, Mme Colette Anderson, Jerri Anderson.John et Colette sont frère et sœur de Louis-Max. Source : André Poulet

Si la Résistance montluçonnaise et bourbonnaise doit beaucoup au groupe de Saint-Sauvier, la mort de Louis-Max Lavallée a permis de rappeler les sacrifices des Alliés dans la lutte contre l’Allemagne nazie.

Stèle au cimetière militaire de Choloy.
Source :  André Poulet

Stèle Louis-Max Lavallée, Saint-Sauvier, juillet 2022 Source : André Poulet

Sitographie et bibliographie :

La Resistance Francaise: Crash de l’Halifax DK119 le 23 juillet 1943 à Saint-Sauvier (03)
BBC – WW2 People’s War – RAF 161 Squadron (fonctions spéciales) Une histoire d’anciens combattants
Alain Godignon, « Crash de l’avion anglais Halifax DK119 le 23 juillet 1943 à Saint-Sauvier », Le Grimoire des pays d’Huriel, Cercle d’Histoire vivante, 2019, p.11-15.
A. Gourbeix et L. Micheau, Montluçon sous la botte allemande, Imprimerie du Centre, 1945.
Nicole Pierre-Poulet, André Poulet et Sylvie Schwaab, Entre Berry et Bourbonnais, Saint-Sauvier, décembre 2019.
André Touret, Montluçon 1940-1944 : la mémoire retrouvée, Editions Créer, Nonette, 2001.

Mme Beroud chez elle, en juillet 2022
Source : André Poulet


[1] Mme Beroud est née à Paris, dans le 11e arrondissement, le 5 décembre 1931, sous le nom de Jeanine Zgarka. Elle reste à Peumant jusqu’à la Libération. Renseignements transmis par Mme Nicole Poulet.

[2] Émile Mairal, né en 1918 à Saint-Victor et décédé en 2008 à Montluçon, a fait une brillante carrière dans l’armée. Promu général en 1970, commandeur dans l’ordre de la Légion d’Honneur, président des Médaillés de la Résistance de l’Allier, il a reçu en 2005 les insignes de Grand-Croix de l’Ordre National du Mérite des mains du Président de la République, Jacques Chirac. Le général, passionné d’histoire, était très attaché à la mémoire de la Résistance ; il a été président du Comité Départemental de l’Allier du Concours National de la Résistance et de la Déportation de 1993 à 2007.

[3] Fils d’un viticulteur de Mireval (Hérault), Adrien Aymes fuit le STO ; envoyé par son père à Saint-Sauvier, il est hébergé chez Adèle et Henri Pierre à la Croix Blanche.

[4] A qui on doit une photographie de l’avion après le crash.

[5] Henri Dubouchet, dit Riton, chef de groupe.

[6] Francisco Saez, « Franco », réfugié espagnol.

[7] Jean Gaulier, dit « Sylvain », employé municipal de Montluçon.

[8] Camille Rougeron dit « Clément », agent de police.

[9] Ernesto Martolini, « Benito », réfugié italien.

[10] Henri Cholin ou « Riri ».

[11] Auguste Chaulier ou « Gust ».

[12] Emile Romaine, « Mimile », cultivateur au Breuil.

[13] Sud-Est de l’Angleterre.

[14] Lavallée a 23 ans lors du crash. Sa mère, d’origine française, est née dans le Puy-de-Dôme. Elle a connu son père pendant la Première Guerre mondiale.

[15] René Degrève alias « Claude », est chef de terrain. Il est accompagné de Jean Gaulier, alias « Sylvain », et de Camille Rougeron, Auguste Chaulier, Henri Dubouchet, Henri Cholin, Émile Romaine, Fernando Saez, Ernesto Martolini.

[16] La carrière de Goutte-Chave ou le bois de Sugères, par exemple.

[17] Ils vont être conduits par la suite à l’hôpital de Clermont-Ferrand.

[18] Jean Dutheil est né en 1921 à La Vierne (Saint-Sauvier). Il est mort en déportation le 6 mai 1945.

[19] La scène se passe à Lignerolles, entre Lavault-Sainte-Anne et Teillet-Argenty, au sud-ouest de Montluçon. Renseignements fournis par Mme Renée Fargin, épouse de Claude. Voir aussi la demande de carte de combattant volontaire de la Résistance (faite le 1er décembre 1953 par L. Fargin).

[20] En 1952, le corps de Louis-Max Lavallée est exhumé pour être transféré au cimetière militaire du Commonwealth de Choloy (Meurthe-et-Moselle).

[21] René Chambareau (1931-2010).

Lieux de mémoire

11 avril 2023
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Montluçon – Domérat – Combrailles

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Pages dédiées aux points marquants la mémoire de la Résistance

Pages

Ancienne stèle – Quinssaines
Caserne Richemond – Montluçon
Graffitis sur le mur du lycée Jules Ferry – Montluçon
Hôtel de l’Ecu – Montluçon
La grande boucle de Montluçon
La petite boucle de Montlluçon
Maison de Louis BAVAY – Montluçon
Mémorial de la Résistance – Montluçon
Mémorial des Grises – Prémilhat
Monument Cour de la Gare – Montluçon
Monument du 6 janvier 1943 – Montluçon
Monument Marx DORMOY – Montluçon
Musée de la Résistance de Montluçon
Plaque CAJAT-GAYON – Montluçon
Plaque Alphonse DEMAY – Montluçon
Plaque des déportés – Néris les Bains
Plaque des MUR – Montluçon
Plaque du crash du Stirling Mk III, BF 569 – Vaux
Plaque du départ de 143 juifs pour Auschwitz le 3 septembre 1942 – Montluçon
Plaque Gustave NURET – Montluçon
Plaque Guy BOURDEAUX – Montluçon
Plaque Joseph DUPÉCHAUD – Montluçon
Plaque Louis BELLOT et Camille PICARD – Montluçon
Plaque Marcel PERROT – Montluçon
Plaque Monument aux Morts – QUINSSAINES
Plaque Pierre KAAN – Montluçon
Plaque Pierre KAAN – Montluçon
Plaque Pierre SENET & Gaspard BARBOSA – Montluçon
Plaque rue Pierre Dupont – Montluçon
Plaque SNCF – Montluçon
Porte des airs
Porte des Mariannes
Rond-Point des Républicains Espagnols Résistants – Domérat
Sépulture de fusillés des Grises – Prémilhat
Stèle Jean Michel LE GUILLOU – Montluçon
Stèle Avenue Léon Blum – Montluçon
Stèle DEPOILLY – Archignat
Stèle des Polonais – Montluçon
Stèle du Bois de Tigoulet – Arpheuilles-Saint-Priest
Stèle du Camp des textiles – Prémilhat
Stèle Frédéric LEMAIRE – Montluçon
Stèle Gaston WAGNER – La Chapelaude
Stèle Gustave MICHEL – La Chapelaude
Stèle Isidore ROSENBERG – Montluçon
Stèle Jean BRAY – Saint-Victor
Stèle Jean MATHÉ – Domérat
Stèle Joseph SCARFOGLIÈRE – Montluçon
Stèle Louis Max LAVALLÉE – Saint Sauvier
Stèle Nancy WAKE – Verneix
Stèle René PASSION – Huriel
Stèle Roger IMBERT – Bézenet

Articles

Le 6 janvier 1943
Robert GAGNE
Exposition…
Hommage à Raymond BONNICHON
Pierre Kaan
Louis-Max Lavallée & Saint-Sauvier
Le retour
Le 6 janvier 1943

Lieux de mémoire Montluçon – Domérat – Combrailles

15 janvier 2020
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Tableau

Stèle DEPOILLY Archignat
Stèle du Bois de Tigoulet Arpheuilles-Saint-Priest
Rond-Point des Républicains Espagnols Résistants Domérat
Stèle Jean MATHÉ Domérat
Stèle René PASSION Huriel
Stèle Gaston WAGNER La Chapelaude
Stèle Gustave MICHEL La Chapelaude
Graffitis sur le mur du lycée Jules Ferry Montluçon
Hôtel de l’Ecu Montluçon
Maison de Louis BAVAY Montluçon
Mémorial de la Résistance Montluçon
Monument Cour de la Gare Montluçon
Monument du 6 janvier 1943 Montluçon
Monument Marx Dormoy Montluçon
Plaque CAJAT-GAYON Montluçon
Plaque des MUR Montluçon
Plaque du départ de 143 juifs pour Auschwitz le 3 septembre 1942 Montluçon
Plaque Gustave NURET Montluçon
Plaque Hall de la Poste Montluçon
Plaque Joseph DUPÉCHAUD Montluçon
Plaque Louis BELLOT et Camille PICARD Montluçon
Plaque Pierre KAAN Montluçon
Plaque Pierre KAAN Montluçon
Plaque Pierre SENET Montluçon
Plaque SNCF Montluçon
Plaque Marcel Perrot Montluçon
Plaque Guy Bourdiaux Montluçon
Plaque DEMAY Alphonse Montluçon
Plaques rue Pierre Dupont Montluçon
Stèle Joseph SCARFOGLIERE Montluçon
Stèle avenue Léon Blum Montluçon
Stèle des Polonais Montluçon
Stèle Frédéric LEMAIRE Montluçon
Plaque des déportés Néris les Bains
Mémorial des Grises Prémilhat
Sépulture de fusillés des Grises Prémilhat
Stèle du Camp des textiles Prémilhat
Ancienne stèle Quinssaines
Plaque Monument aux Morts Quinssaines
Stèle Louis Max LAVALLÉE Saint Sauvier
Stèle Jean BRAY Saint-Victor
Plaque du crash du Stirling Mk III, BF 569 Vaux

Articles

Louis-Max Lavallée & Saint-Sauvier
Le retour
Le 6 janvier 1943

Mémorial des Grises – Prémilhat

15 août 2023
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Article rédigé par Suzel Crouzet(Musée Résistance, Montluçon)

les 42 otages fusillés du 14 août 1944

Photos Musée de la Résistance à Montluçon

Après le débarquement allié du 6 juin 1944, les Allemands sont obligés d’acheminer des troupes en Normandie. Il leur faut donc garder le contrôle des grands axes de circulation, et cela en dépit des opérations de guérilla des maquisards. En août, leur situation devient plus difficile encore et, avec l’aide des miliciens et autres collaborationnistes, ils multiplient les exécutions sommaires et les massacres. Le Bourbonnais n’est pas épargné. Les tensions s’accroissent entre l’occupant et la population montluçonnaise exaspérée par les représailles et les exactions.
Le 12 août, un convoi allemand de ravitaillement d’essence, escorté par des éléments de la 13ème compagnie du 192ème régiment de Sécurité(1), est attaqué à l’est de Montluçon par le corps franc Bonnet-Large des MUR ; il subit de lourdes pertes. Les Allemands décident de se venger. La déposition du caporal allemand Peter Borg ne laisse aucun doute sur le sujet : « Pendant l’escarmouche nous avons eu quinze morts et deux disparus […] Alois Schleicher, à l’époque sergent, chargé des Services de notre compagnie, avait demandé à la Gestapo qu’on lui remette les 40 civils français pour les faire fusiller en représailles de l’attaque du convoi ». Le témoignage de Madame Binet, emprisonnée en août 1944 à la caserne Richemont de Montluçon, confirme les chiffres énoncés par Borg. Elle affirme avoir vu entre quinze et dix-huit cercueils à l’intérieur de la caserne ; parmi les morts, un officier, ce qui expliquerait le désir de vengeance des Allemands qui obtiennent du chef de la Gestapo, en fait de la Sipo-SD(2) de Montluçon, l’autorisation de fusiller des otages.

Le 14 août 1944, vers 5 heures et quart du matin, ce ne sont pas quarante mais quarante-deux hommes, qui doivent quitter, à bord d’un camion découvert, la caserne Richemont. Une voiture légère ouvre le convoi que ferment  deux  camions chargés de soldats allemands. Une panne survient. Le convoi s’arrête devant le café Joseph, à quelques pas de l’étang de Sault. Madame Joseph, alertée par le bruit des véhicules, fait mine de balayer afin de pouvoir échanger avec les prisonniers ; ils lui disent qu’ils vont construire le mur de l’Atlantique et ne semblent pas trop inquiets. Louis Binet, un des otages, confie, cependant, à un cycliste qu’il ne connaît pas leur destination. La panne réparée, les véhicules repartent. A trois kilomètres du village de Quinssaines, le convoi tourne à gauche en direction de la carrière des Grises, un lieu isolé de la commune de Prémilhat. Les Allemands connaissent bien l’endroit : ils viennent s’entraîner à proximité, sur le terrain du Méry. La Sipo-SD a même déjà utilisé la carrière pour cacher un de ses crimes ; deux mois avant, elle y a enfoui le corps de Paul Weill (3), un réfugié alsacien de confession juive. Dès le 12 août, la décision est prise par les autorités allemandes de faire payer à la population les pertes qu’ils ont subies et d’utiliser la carrière à plus grande échelle. Une fosse de sept mètres de long sur deux mètres cinquante de large et d’une profondeur de quatre-vingts centimètre est creusée à la grenade ;  les explosions sont entendues jusqu’à Montluçon. Tout est prêt au matin du 14 août. Les Allemands peuvent commencer leur sinistre besogne. Ils mènent les otages au bord de la fosse en cinq groupes successifs pour les fusiller. Un voisin de la carrière, Henri Picandet, entend les premiers cris vers 6 h 20. A sept heures, tout est fini.

Le voisin prévient les autorités. Le sous-préfet, Georges Féa, se renseigne auprès de l’État-major allemand et du chef de la Sipo-SD. Il obtient l’autorisation d’exhumer les corps, ce qui est fait le jour même grâce aux volontaires qui se présentent. Le lendemain, les victimes sont identifiées, avant d’être enterrées au cimetière de Prémilhat dans une fosse commune. L’identification est difficile. Beaucoup de fusillés portent, en effet, des traces de torture, comme Jean Mathé, capturé début août et membre important de la résistance montluçonnaise. Si certains fusillés ont été pris le 7 août lors d’une opération de ratissage dans le Puy-de-Dôme(4) ou transférés de la Creuse(5) , la plupart d’entre eux viennent de l’Allier, qu’ils soient Bourbonnais de fraîche date, ou natifs de la région de Montluçon(6).

André Durand et Jean Mazaud, nés respectivement en 1920 et 1921, à Boussac et Saint-Setiers, sont des cas un peu à part ; les circonstances de leur arrestation sont inconnues.
Beaucoup des otages étaient engagés dans la Résistance de façon très active. Jean Mathé, membre important de la résistance montluçonnaise, a été arrêté alors qu’il revenait d’une opération qui s’était déroulée à Saint-Sauvier. Roger Besson, instituteur à l’école Balzac de Montluçon, appartenait aux MUR. Claude Gabay avait participé à plusieurs actions de résistance dans la région parisienne avant d’être capturé alors qu’il cherchait à rejoindre le maquis. Jean Lafontaine et Roger Tantôt appartenaient au camp FTPF Jean-Drouillat. Antonio Sericola au camp 14 juillet ; Raymond Degasne et Jean Kubiak au Camp Jean Chauvet. Les cheminots ont joué un rôle important dans la résistance bourbonnaise et plusieurs d’entre eux comptent au nombre des victimes, Auguste Château, René Damour, Auguste Saviot, Georges Servant. Si certains otages ont été capturés par les Allemands, lors de diverses opérations de représailles, certains ont été dénoncés. Il n’est pas exclu que les problèmes de ravitaillement aient provoqué une certaine forme de jalousie à l’égard de certains commerçants montluçonnais. Le père, le fils et le gendre de la famille Binet Micheau travaillaient pour la confiserie familiale du Bélier, située 4 rue boulevard Carnot à Montluçon. Jean Mathé gérait la Ruche montluçonnaise, une coopérative de consommation, qui tenait plusieurs magasins, à Montluçon et Domérat. Albert Chirol tenait le Café National, situé rue de la République à Montluçon.

Si les victimes de la carrière des Grises n’ont pas été condamnées à mort par un tribunal, elles ne peuvent, cependant, pas être considérées comme des « massacrés ». Leur mort est le résultat d’une politique pensée : emprisonnées plusieurs jours avant d’être exécutées, elles ont été transportées en camion jusqu’à la carrière où elles ont été fusillées de façon collective. Elles appartiennent donc à la catégorie spécifique de ceux qu’on appelle les otages fusillés en 1944.
Après l’exécution des otages, les Allemands ne peuvent plus se rendre, ils doivent tenir coûte que coûte leurs positions face aux FFI, ce qui explique, non seulement la durée des combats lors de la libération de la ville du 20 au 25 août 1944, mais aussi leur violence, en particulier autour de la caserne Richemont où les occupants sont retranchés.
Une cérémonie à la mémoire des quarante-deux otages fusillés est organisée dès le 17 septembre 1944 à l’Hôtel de Ville. Une stèle est dressée sur le lieu des exécutions. Elle porte les noms de trente-neuf fusillés du 14 août 1944 et celui de Paul Weill assassiné deux mois auparavant. Il manque donc trois noms. Celui de Julien Gallois, qui n’avait pas été formellement identifié en 1944, n’a été ajouté qu’en 2019. René De Poorter n’a été reconnu comme l’une des quarante-deux victimes qu’en 1950 et son nom manque toujours. Un des fusillés est toujours inconnu actuellement.

Une rue de Montluçon, située près du lycée Paul Constans, porte le nom du 14 août 1944 (précédemment appelée rue des 42 fusillés).

La rue Damour-Saviot porte le nom de deux des victimes.

Elle se trouve non loin de la rue Binet Micheau dans le faubourg St Pierre.

L’avenue des Martyrs qui sépare Prémilhat de Domérat mène à la carrière des Grises.

Domérat garde le souvenir de Jean Mathé. Une rue porte son nom et une stèle y a été érigée en son honneur.

Stèle Jean Mathé à Domérat

(photographies Musée de la Résistance à Montluçon, 2022)

La découverte des corps
(Archives du Musée de la Résistance à Montluçon)


Notes :

[1] Les Sicherungstruppen étaient rattachées à la Wehrmacht ; elles étaient chargées du maintien de l’ordre, de la protection des lignes de communication et de la garde d’ouvrages dans les territoires occupés.

[2] Sicherheistpolizei-Sicherheitsdienst (Sipo-SD) : Réunion de la Sipo, organisme d’État regroupant la Gestapo et la police criminelle, et du SD, service de renseignement de la SS. Lors des opérations menées contre les résistants, chaque compagnie de la Wehrmacht était accompagnée par un agent de la Sipo-SD à qui incombait la responsabilité des exécutions et des actions de représailles. Après le débarquement de Normandie, c’est au commandement militaire de prendre la décision d’incendier les bâtiments et d’exécuter les résistants capturés les armes à la main, tandis que la Sipo-SD prenait en charge les civils suspects et les prisonniers.

[3] Paul Weill est né en 1884 à Sainte-Marie-aux-Mines. Arrêté rue Barathon en mai 1944 par la Sipo-SD et torturé, il est finalement étranglé par ses bourreaux mi-juin. Son corps est découvert aux Grises le 29 juin 1944 par un habitant du hameau voisin.

[4] Charles Joseph (né en 1922, à Moulins, Allier) ; Chartrier (ou Schartrier) Georges (1925, Cusset, Allier) ; Degasne Raymond (1920,  Vire) ; Kubiak Jean (1909, Allemagne) ; Meunier Eugène (1900, Saint-Eloy-les Mines, Puy-de-Dôme) .

[5] Auchatraire Charles (né en 1910,  La Chapelle-Baloue, Creuse) ; Boussardon Emile Auguste (1911, La ChapelleBaloue) ; De Poorter René (1918, Dreux, Eure-et-Loir) ; Ducouret André (1895, Saint-Sébastien, Creuse) ; Gallois Julien (1920, Valenciennes, Nord) ; Gaulons Roland (ou Jean) (1925, Saint-Dizier, Haute-Marne) : Giraud Albert (1882, Lavaveix-les-Mines, Creuse) ; Harand Roland (1919, Caen, Calvados) ; Lachassagne Charles (1925, Fresselines, Creuse) ; Monteil Aimé (1899, Chénérailles, Creuse) ; Riquier Roger (1925, Aubusson, Creuse) ; Romanoeuff (ou Romanoff) Pierre (1922, Paris, XIIIarr.) ; Sauvat François (1919, Aubusson).

[6] Audinat Jean-Louis (né en 1900, à Doyet, Allier) ; Besson Roger (1906, Bredons, Cantal) ; Binet Louis (1902, Saint-Désiré, Allier) ; Binet Pierre (1887, Domérat, Allier) ; Château Auguste (1914, Fromental, Haute-Vienne) ; Chirol Albert (1889, Montluçon, Allier) ; Damour René (1906, Montluçon) ; Philippe Drouilly (1905, Paris, XXarr.) ; Dumas Paul (1907, Cheylade, Cantal) ; Gabay Claude (1924, Paris, VIIIe arr.) ; Lafontaine Jean (1924, Paris, VIe arr.) ; Lamoureux André (1910, Montluçon) ; Mathé Jean (1905, Domérat) ; Micheau Jehan (1907, Epineuil-leFleuriel, Cher) ; Parraud Armand (1904, Châteldon, Puy-de-Dôme) ; Renaud Marcel (1907, Paris) ;  Saviot Auguste (1906, Désertines, Allier) ; Sericola Antonio (1924, Castel-Del-Monte, Italie) ; Servant Georges (1903, Montluçon) ; Tantôt Roger (1924, Espinasse-Vozelle, Allier) ; Thébaut Jean (1924, Paris, XIVe arr.) .


SOURCES : Armand Gourbeix et Louis Micheau, Montluçon sous la botte allemande, Imprimerie du Centre, Montluçon, 1945 ; Suzanne et Jean Bidault, cassette audio du 25 août 1983, témoignages des familles de fusillés, Musée de la Résistance de Montluçon ; Montluçon notre ville, n° 214, juillet 1994 ; André Touret, Montluçon 1940-1944 : la mémoire retrouvée, Editions Créer, Nonette, 2001  ; Jean-Pierre Besse et Thomas Pouty, Les fusillés, Répression et exécutions pendant l’Occupation (1940-1944), Les Editions de l’Atelier, Paris,2006 ; https://maitron.fr/spip.php?article178762, notice Prémilhat (Allier), Carrière des Grises, 14 août 1944 par Michel Thébault, version mise en ligne le 26 février 2016, dernière modification le 30 juillet 2022 ;Die Sipo-SD | Chemins de mémoire (defense.gouv.fr), vu le 14 août 2022 ; les 42 fusillés de la Carrière des Grises – Histoire et Généalogie (overblog.com) ; Registre de l’État civil de Prémilhat, année 1944, du numéro 17 à 59, partie décès ;  Archives du Musée de la Résistance à Montluçon.

Pierre Kaan

26 décembre 2022
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Article rédigé par Suzel Crouzet

(Musée Résistance, Montluçon)

« C’était un petit homme à lunettes, habillé avec élégance, au maintien effacé. On ne commençait à lui prêter attention qu’en le regardant en face et en l’écoutant. On était aussitôt surpris de la lumière qui brillait dans ses yeux de myope, de la finesse de son sourire et de l’extrême qualité de ses propos ».  (Michel Debré)

Pierre Kaan n’est pas né à Montluçon, mais il est une des fiertés de la ville. Professeur de philosophie au lycée Jules Ferry, il a marqué ses élèves par la force de ses convictions. Il a participé à la grande manifestation montluçonnaise du 6 janvier 1943, une date importante pour la Résistance bourbonnaise.  Il a rejoint, ensuite, Jean Moulin et a contribué à la réunification de la Résistance.  Déporté, il est mort peu de temps après sa libération. La France toute entière lui doit beaucoup.

(photo Archives du Musée de la Résistance à Montluçon)

Pierre Kaan est né, le 10 janvier 1903, dans le 5e arrondissement de Paris. Son père, Paul Kaan, est originaire d’Alsace-Lorraine et travaille dans l’édition. Militant socialiste, Paul est très attaché à la laïcité. Il ne pratique pas la religion hébraïque de ses ancêtres et sa femme, Renée Dénard, la mère de Pierre, est d’ailleurs issue d’une famille catholique de petits artisans d’Ile-de-France. Pierre est baptisé dans la religion de sa mère. André, son frère, naît en 1906.

Pierre fait ses études au lycée Montaigne, puis à Louis-le-Grand. Bachelier à seize ans, licencié en philosophie à dix-huit, il soutient son diplôme d’études supérieures sur Nietzsche en 1923. Membre de la SFIO, il rejoint, après le congrès de Tours de 1920, le parti communiste. Il se marie en 1926 avec Marie Veyrun, de deux ans son aînée. Il participe à plusieurs journaux et revues, tant politiques que littéraires. Proche de Boris Souvarine dont il partage les idées antistaliniennes, il quitte le parti communiste en 1929, mais continue à militer activement au sein de la CGT. Il enseigne pendant trois ans à Bar-sur-Aube, puis une année à Colmar, avant de rejoindre, à la rentrée 1938, le lycée de Montluçon où il est professeur de philosophie. Sa femme est institutrice ; elle est nommée à l’école maternelle du groupe Emile Zola. Le couple, qui a quatre filles, est logé dans un appartement de l’école de garçons, rue Viviani. Pierre Kaan prépare une thèse sur la philosophie de l’Histoire, mais s’intéresse également à la politique internationale, il entame une réflexion sur le totalitarisme, voyage en Catalogne en 1936, et rédige un mémoire sur les moyens de séparer l’Italie de l’Allemagne.

Réformé pour cause de myopie, Pierre Kaan formule au cours de la guerre trois demandes d’engagement, toutes repoussées. Dès juin 1940, il répand, dans les rues de Montluçon, des papillons contre Hitler et la défaite. Dans les derniers jours du mois, il cherche une filière pour partir en Angleterre et de se battre pour la France Libre ; il part à bicyclette vers Toulouse, sans succès. Il revient alors à Montluçon et diffuse d’autres tracts pendant l’été. Lors de la rentrée scolaire 1940, il affirme à ses élèves que « pour que vienne la Libération, il convient que face à l’envahisseur, nous gardions conscience de la grandeur de notre nation, des valeurs universelles qu’elle symbolise et que nous devons maintenir intactes ». La promulgation du second statut des juifs du 2 juin 1941 est pour lui une nouvelle occasion d’affirmer ses valeurs ; il refuse de présenter aux autorités son certificat de baptême, ce qui lui vaut de perdre son poste au lycée de Montluçon.

En 1941-1942, il reste auprès de son épouse et de ses enfants rue Viviani, mais multiplie les contacts. Il contribue à organiser Libération-Sud dans l’Allier, entre en relation avec le mouvement Franc-tireur (grâce à son ami d’enfance Georges Altman) et avec des militants du journal Combat. Il rencontre Jean Moulin pour la première fois en février 1942. Vers avril 1942, il prend la tête d’un service de renseignements, le réseau Cohors-Asturies, dont va faire partie aussi son frère André (1) qui revient d’Allemagne en décembre. Chargé du repérage des terrains d’aviation, Pierre Kaan prend part à la réception des premiers parachutages dans le Cher et l’Allier. Il est un des organisateurs de la manifestation du 6 janvier 1943 contre la réquisition forcée. Repéré alors par les renseignements généraux, « Prof » échappe de peu à l’arrestation et entre dans la clandestinité. Après avoir été hébergé par la famille Dutheil, à La Vierne, dans la commune de Saint-Sauvier, Pierre Kaan rejoint Jean Moulin à Lyon, puis à Paris ; il contribue à la coordination des actions de la Résistance intérieure et à sa liaison avec la France Combattante. Il porte les pseudonymes successifs de Dupin, Biran, Brûlard. Après l’arrestation de Jean Moulin du 21 juin 1943, il pense s’orienter vers la Résistance militaire. Pendant l’été 1943, sa famille doit entrer elle aussi dans la clandestinité.

A l’automne, il est impératif de remettre la Résistance sur pied. Pierre Kaan est secrétaire lors de la réunion du Comité militaire de la zone Nord qui se tient le 27 octobre sous la présidence du colonel Touny. C’est à cette occasion que Yeo-Thomas, Shelley, qui assure la liaison entre le SOE et le BCRA, fait sa rencontre pour la première fois.

Le livre de Bruce Marshall écrit d’après les souvenirs de Forest Frederick Edward Yeo-Thomas (1902-1964) comporte de nombreux passages sur Pierre Kaan.

Pierre Kaan est arrêté par la Gestapo, le 29 décembre 1943, au carrefour de Port Royal et de l’avenue de l’Observatoire. Ses parents, arrêtés quelques jours plus tard, meurent en déportation.  Après avoir été torturé rue des Saussaies à Paris, Pierre Kaan est transféré à Fresnes, puis à Compiègne. Déporté, il arrive à Auschwitz le 30 avril 1944, matricule 185 806 ; deux semaines plus tard, il part pour Buchenwald, matricule 52 920. Il est transféré ensuite au camp annexe de Wille, à Gleina, une localité située à une cinquantaine de km au sud-ouest de Leipzig. Il fait fonction d’officier d’état civil du camp d’après Yeo-Thomas qui le retrouve, en novembre 1944, dans ce camp qui sert de revier, d’hôpital, à celui de Rehmsdorf. Début 1945, le revier est transféré de Gleina à Rehmsdorf où les conditions de vie sont épouvantables. Au printemps, les bombardements alliés n’arrangent rien. Le 13 avril, ordre est donné d’évacuer le camp. Le 14 avril, les détenus doivent monter dans des wagons-plateforme. Ils meurent de faim et de froid. Dans une tentative d’évasion, réussie pour Yeo-Thomas, Pierre Kaan est repris alors qu’il erre dans les bois. Yeo-Thomas va apprendre par la suite que Pierre Kaan est mort de l’ulcère qu’il avait à la jambe. De fait, son compagnon a été libéré le 8 mai 1945, mais, très affaibli il meurt dix jours plus tard à l’hôpital de Budejovice (République tchèque).
Pierre Kaan reçoit la Légion d’honneur à titre posthume en 1946. Il est homologué au grade de lieutenant-colonel en 1948.
Une plaque porte son nom dans la cour du Lycée Jules Ferry de Montluçon (aujourd’hui Collège Jules Ferry) depuis 1947 (photo 1).

Montluçon rappelle les actions de Pierre Kaan au sein de la Résistance par une autre plaque, apposée en 1982 sur le mur de la maison où il a vécu avec sa famille, au 21 rue Viviani (photo 3). Entre les rues Viviani, Mazagran et Emile Zola, une place porte dès lors le nom de Pierre Kaan.

Sitographie et bibliographie : Service historique de la Défense, vu le 04 /01/2022 ; https ://maitron.fr/spip.php?article114733, notice KAAN Pierre par Jean-Louis Panné, version mise en ligne le 24/11/2010, dernière modification le 17/12/2021, vu le 14/09/2022 ; AFMD de l’Allier, vu le 8/01/2022 ; Pierre KAAN soldat de l’ombre · Milguerres (unblog.fr), vu le 14/09 /2022 ; Alias Caracalla de Daniel Cordier, Gallimard, 2009 ; Montluçon 6 janvier 1943 de l’Association bourbonnaise des Amis du Musée de la Résistance Nationale, 2014 ; Montluçon 1940-1944 : la mémoire retrouvée d’André Touret, Éditions Créer, Nonette, 2001 ; Entre Berry et Bourbonnais, Saint-Sauvier de Nicole Pierre-Poulet, André Poulet et Sylvie Schwaab, décembre 2019 ;
Le lapin blanc de Bruce Marshall, Gallimard, 1953, p. 93, 300-303,307-308,320-324.

(1) : André Kaan est lui aussi professeur de philosophie. Mobilisé à la déclaration de la guerre, il est fait prisonnier le 26 juin 1940. Interné au Stalag XII A (matricule 41869), il est rapatrié sanitaire le 22 décembre 1942. Déporté le 17 août 1944 (en fait le convoi n° I.265 ne part que le 18 de Compiègne-Rethondes), il arrive à Buchenwald le 21 août, matricule 81467.
Albert Chambon, un diplomate résistant, matricule 81490, fait partie du même convoi. C’est au camp annexe de Witten-Annen dans la Ruhr, que Chambon fait la connaissance de Kahn, un « jeune professeur de philosophie ».
A la date du 15 décembre, il note à son sujet : « Condamné à recevoir vingt-cinq coups de schlague, il s’est relevé en regardant le S.S. avec un tel air de méprisante moquerie que ce dernier, plein de fureur, s’est jeté à nouveau sur lui et lui a infligé vingt-cinq coups de schlague supplémentaires. Il n’a pu tirer de lui la moindre plainte. Tranquillement, le regard lointain, notre camarade, le corps douloureux, a regagné sa machine ». Il s’agit certainement d’André Kaan. (81 490 d’Albert Chambon, Editions de Paris, 1961.)
Albert Chambon, comme André Kaan est revenu de déportation.

La carrière des Grises

3 novembre 2022
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Article rédigé par Suzel Crouzet

(Musée Résistance, Montluçon)

les 42 otages fusillés du 14 août 1944

Photos Musée de la Résistance à Montluçon

Après le débarquement allié du 6 juin 1944, les Allemands sont obligés d’acheminer des troupes en Normandie. Il leur faut donc garder le contrôle des grands axes de circulation, et cela en dépit des opérations de guérilla des maquisards. En août, leur situation devient plus difficile encore et, avec l’aide des miliciens et autres collaborationnistes, ils multiplient les exécutions sommaires et les massacres. Le Bourbonnais n’est pas épargné. Les tensions s’accroissent entre l’occupant et la population montluçonnaise exaspérée par les représailles et les exactions.
Le 12 août, un convoi allemand de ravitaillement d’essence, escorté par des éléments de la 13ème compagnie du 192ème régiment de Sécurité(1), est attaqué à l’est de Montluçon par le corps franc Bonnet-Large des MUR ; il subit de lourdes pertes. Les Allemands décident de se venger. La déposition du caporal allemand Peter Borg ne laisse aucun doute sur le sujet : « Pendant l’escarmouche nous avons eu quinze morts et deux disparus […] Alois Schleicher, à l’époque sergent, chargé des Services de notre compagnie, avait demandé à la Gestapo qu’on lui remette les 40 civils français pour les faire fusiller en représailles de l’attaque du convoi ». Le témoignage de Madame Binet, emprisonnée en août 1944 à la caserne Richemont de Montluçon, confirme les chiffres énoncés par Borg. Elle affirme avoir vu entre quinze et dix-huit cercueils à l’intérieur de la caserne ; parmi les morts, un officier, ce qui expliquerait le désir de vengeance des Allemands qui obtiennent du chef de la Gestapo, en fait de la Sipo-SD(2) de Montluçon, l’autorisation de fusiller des otages.

Le 14 août 1944, vers 5 heures et quart du matin, ce ne sont pas quarante mais quarante-deux hommes, qui doivent quitter, à bord d’un camion découvert, la caserne Richemont. Une voiture légère ouvre le convoi que ferment  deux  camions chargés de soldats allemands. Une panne survient. Le convoi s’arrête devant le café Joseph, à quelques pas de l’étang de Sault. Madame Joseph, alertée par le bruit des véhicules, fait mine de balayer afin de pouvoir échanger avec les prisonniers ; ils lui disent qu’ils vont construire le mur de l’Atlantique et ne semblent pas trop inquiets. Louis Binet, un des otages, confie, cependant, à un cycliste qu’il ne connaît pas leur destination. La panne réparée, les véhicules repartent. A trois kilomètres du village de Quinssaines, le convoi tourne à gauche en direction de la carrière des Grises, un lieu isolé de la commune de Prémilhat. Les Allemands connaissent bien l’endroit : ils viennent s’entraîner à proximité, sur le terrain du Méry. La Sipo-SD a même déjà utilisé la carrière pour cacher un de ses crimes ; deux mois avant, elle y a enfoui le corps de Paul Weill (3), un réfugié alsacien de confession juive. Dès le 12 août, la décision est prise par les autorités allemandes de faire payer à la population les pertes qu’ils ont subies et d’utiliser la carrière à plus grande échelle. Une fosse de sept mètres de long sur deux mètres cinquante de large et d’une profondeur de quatre-vingts centimètre est creusée à la grenade ;  les explosions sont entendues jusqu’à Montluçon. Tout est prêt au matin du 14 août. Les Allemands peuvent commencer leur sinistre besogne. Ils mènent les otages au bord de la fosse en cinq groupes successifs pour les fusiller. Un voisin de la carrière, Henri Picandet, entend les premiers cris vers 6 h 20. A sept heures, tout est fini.

Le voisin prévient les autorités. Le sous-préfet, Georges Féa, se renseigne auprès de l’État-major allemand et du chef de la Sipo-SD. Il obtient l’autorisation d’exhumer les corps, ce qui est fait le jour même grâce aux volontaires qui se présentent. Le lendemain, les victimes sont identifiées, avant d’être enterrées au cimetière de Prémilhat dans une fosse commune. L’identification est difficile. Beaucoup de fusillés portent, en effet, des traces de torture, comme Jean Mathé, capturé début août et membre important de la résistance montluçonnaise. Si certains fusillés ont été pris le 7 août lors d’une opération de ratissage dans le Puy-de-Dôme(4) ou transférés de la Creuse(5) , la plupart d’entre eux viennent de l’Allier, qu’ils soient Bourbonnais de fraîche date, ou natifs de la région de Montluçon(6).

André Durand et Jean Mazaud, nés respectivement en 1920 et 1921, à Boussac et Saint-Setiers, sont des cas un peu à part ; les circonstances de leur arrestation sont inconnues.
Beaucoup des otages étaient engagés dans la Résistance de façon très active. Jean Mathé, membre important de la résistance montluçonnaise, a été arrêté alors qu’il revenait d’une opération qui s’était déroulée à Saint-Sauvier. Roger Besson, instituteur à l’école Balzac de Montluçon, appartenait aux MUR. Claude Gabay avait participé à plusieurs actions de résistance dans la région parisienne avant d’être capturé alors qu’il cherchait à rejoindre le maquis. Jean Lafontaine et Roger Tantôt appartenaient au camp FTPF Jean-Drouillat. Antonio Sericola au camp 14 juillet ; Raymond Degasne et Jean Kubiak au Camp Jean Chauvet. Les cheminots ont joué un rôle important dans la résistance bourbonnaise et plusieurs d’entre eux comptent au nombre des victimes, Auguste Château, René Damour, Auguste Saviot, Georges Servant. Si certains otages ont été capturés par les Allemands, lors de diverses opérations de représailles, certains ont été dénoncés. Il n’est pas exclu que les problèmes de ravitaillement aient provoqué une certaine forme de jalousie à l’égard de certains commerçants montluçonnais. Le père, le fils et le gendre de la famille Binet Micheau travaillaient pour la confiserie familiale du Bélier, située 4 rue boulevard Carnot à Montluçon. Jean Mathé gérait la Ruche montluçonnaise, une coopérative de consommation, qui tenait plusieurs magasins, à Montluçon et Domérat. Albert Chirol tenait le Café National, situé rue de la République à Montluçon.

Si les victimes de la carrière des Grises n’ont pas été condamnées à mort par un tribunal, elles ne peuvent, cependant, pas être considérées comme des « massacrés ». Leur mort est le résultat d’une politique pensée : emprisonnées plusieurs jours avant d’être exécutées, elles ont été transportées en camion jusqu’à la carrière où elles ont été fusillées de façon collective. Elles appartiennent donc à la catégorie spécifique de ceux qu’on appelle les otages fusillés en 1944.
Après l’exécution des otages, les Allemands ne peuvent plus se rendre, ils doivent tenir coûte que coûte leurs positions face aux FFI, ce qui explique, non seulement la durée des combats lors de la libération de la ville du 20 au 25 août 1944, mais aussi leur violence, en particulier autour de la caserne Richemont où les occupants sont retranchés.
Une cérémonie à la mémoire des quarante-deux otages fusillés est organisée dès le 17 septembre 1944 à l’Hôtel de Ville. Une stèle est dressée sur le lieu des exécutions. Elle porte les noms de trente-neuf fusillés du 14 août 1944 et celui de Paul Weill assassiné deux mois auparavant. Il manque donc trois noms. Celui de Julien Gallois, qui n’avait pas été formellement identifié en 1944, n’a été ajouté qu’en 2019. René De Poorter n’a été reconnu comme l’une des quarante-deux victimes qu’en 1950 et son nom manque toujours. Un des fusillés est toujours inconnu actuellement.

Une rue de Montluçon, située près du lycée Paul Constans, porte le nom du 14 août 1944 (précédemment appelée rue des 42 fusillés).

La rue Damour-Saviot porte le nom de deux des victimes.

Elle se trouve non loin de la rue Binet Micheau dans le faubourg St Pierre.

L’avenue des Martyrs qui sépare Prémilhat de Domérat mène à la carrière des Grises.

Domérat garde le souvenir de Jean Mathé. Une rue porte son nom et une stèle y a été érigée en son honneur.

Stèle Jean Mathé à Domérat

(photographies Musée de la Résistance à Montluçon, 2022)

La découverte des corps
(Archives du Musée de la Résistance à Montluçon)


Notes :

[1] Les Sicherungstruppen étaient rattachées à la Wehrmacht ; elles étaient chargées du maintien de l’ordre, de la protection des lignes de communication et de la garde d’ouvrages dans les territoires occupés.

[2] Sicherheistpolizei-Sicherheitsdienst (Sipo-SD) : Réunion de la Sipo, organisme d’État regroupant la Gestapo et la police criminelle, et du SD, service de renseignement de la SS. Lors des opérations menées contre les résistants, chaque compagnie de la Wehrmacht était accompagnée par un agent de la Sipo-SD à qui incombait la responsabilité des exécutions et des actions de représailles. Après le débarquement de Normandie, c’est au commandement militaire de prendre la décision d’incendier les bâtiments et d’exécuter les résistants capturés les armes à la main, tandis que la Sipo-SD prenait en charge les civils suspects et les prisonniers.

[3] Paul Weill est né en 1884 à Sainte-Marie-aux-Mines. Arrêté rue Barathon en mai 1944 par la Sipo-SD et torturé, il est finalement étranglé par ses bourreaux mi-juin. Son corps est découvert aux Grises le 29 juin 1944 par un habitant du hameau voisin.

[4] Charles Joseph (né en 1922, à Moulins, Allier) ; Chartrier (ou Schartrier) Georges (1925, Cusset, Allier) ; Degasne Raymond (1920,  Vire) ; Kubiak Jean (1909, Allemagne) ; Meunier Eugène (1900, Saint-Eloy-les Mines, Puy-de-Dôme) .

[5] Auchatraire Charles (né en 1910,  La Chapelle-Baloue, Creuse) ; Boussardon Emile Auguste (1911, La ChapelleBaloue) ; De Poorter René (1918, Dreux, Eure-et-Loir) ; Ducouret André (1895, Saint-Sébastien, Creuse) ; Gallois Julien (1920, Valenciennes, Nord) ; Gaulons Roland (ou Jean) (1925, Saint-Dizier, Haute-Marne) : Giraud Albert (1882, Lavaveix-les-Mines, Creuse) ; Harand Roland (1919, Caen, Calvados) ; Lachassagne Charles (1925, Fresselines, Creuse) ; Monteil Aimé (1899, Chénérailles, Creuse) ; Riquier Roger (1925, Aubusson, Creuse) ; Romanoeuff (ou Romanoff) Pierre (1922, Paris, XIIIe arr.) ; Sauvat François (1919, Aubusson).

[6] Audinat Jean-Louis (né en 1900, à Doyet, Allier) ; Besson Roger (1906, Bredons, Cantal) ; Binet Louis (1902, Saint-Désiré, Allier) ; Binet Pierre (1887, Domérat, Allier) ; Château Auguste (1914, Fromental, Haute-Vienne) ; Chirol Albert (1889, Montluçon, Allier) ; Damour René (1906, Montluçon) ; Philippe Drouilly (1905, Paris, XXe arr.) ; Dumas Paul (1907, Cheylade, Cantal) ; Gabay Claude (1924, Paris, VIIIe arr.) ; Lafontaine Jean (1924, Paris, VIe arr.) ; Lamoureux André (1910, Montluçon) ; Mathé Jean (1905, Domérat) ; Micheau Jehan (1907, Epineuil-leFleuriel, Cher) ; Parraud Armand (1904, Châteldon, Puy-de-Dôme) ; Renaud Marcel (1907, Paris) ;  Saviot Auguste (1906, Désertines, Allier) ; Sericola Antonio (1924, Castel-Del-Monte, Italie) ; Servant Georges (1903, Montluçon) ; Tantôt Roger (1924, Espinasse-Vozelle, Allier) ; Thébaut Jean (1924, Paris, XIVe arr.) .


SOURCES : Armand Gourbeix et Louis Micheau, Montluçon sous la botte allemande, Imprimerie du Centre, Montluçon, 1945 ; Suzanne et Jean Bidault, cassette audio du 25 août 1983, témoignages des familles de fusillés, Musée de la Résistance de Montluçon ; Montluçon notre ville, n° 214, juillet 1994 ; André Touret, Montluçon 1940-1944 : la mémoire retrouvée, Editions Créer, Nonette, 2001  ; Jean-Pierre Besse et Thomas Pouty, Les fusillés, Répression et exécutions pendant l’Occupation (1940-1944), Les Editions de l’Atelier, Paris,2006 ; https://maitron.fr/spip.php?article178762, notice Prémilhat (Allier), Carrière des Grises, 14 août 1944 par Michel Thébault, version mise en ligne le 26 février 2016, dernière modification le 30 juillet 2022 ;Die Sipo-SD | Chemins de mémoire (defense.gouv.fr), vu le 14 août 2022 ; les 42 fusillés de la Carrière des Grises – Histoire et Généalogie (overblog.com) ; Registre de l’État civil de Prémilhat, année 1944, du numéro 17 à 59, partie décès ;  Archives du Musée de la Résistance à Montluçon.

Pierre Kaan

7 octobre 2022
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Article rédigé par Suzel Crouzet

(Musée Résistance, Montluçon)

« C’était un petit homme à lunettes, habillé avec élégance, au maintien effacé. On ne commençait à lui prêter attention qu’en le regardant en face et en l’écoutant. On était aussitôt surpris de la lumière qui brillait dans ses yeux de myope, de la finesse de son sourire et de l’extrême qualité de ses propos ».  (Michel Debré)

Pierre Kaan n’est pas né à Montluçon, mais il est une des fiertés de la ville. Professeur de philosophie au lycée Jules Ferry, il a marqué ses élèves par la force de ses convictions. Il a participé à la grande manifestation montluçonnaise du 6 janvier 1943, une date importante pour la Résistance bourbonnaise.  Il a rejoint, ensuite, Jean Moulin et a contribué à la réunification de la Résistance.  Déporté, il est mort peu de temps après sa libération. La France toute entière lui doit beaucoup.

(photo Archives du Musée de la Résistance à Montluçon)

Pierre Kaan est né, le 10 janvier 1903, dans le 5e arrondissement de Paris. Son père, Paul Kaan, est originaire d’Alsace-Lorraine et travaille dans l’édition. Militant socialiste, Paul est très attaché à la laïcité. Il ne pratique pas la religion hébraïque de ses ancêtres et sa femme, Renée Dénard, la mère de Pierre, est d’ailleurs issue d’une famille catholique de petits artisans d’Ile-de-France. Pierre est baptisé dans la religion de sa mère. André, son frère, naît en 1906.

Pierre fait ses études au lycée Montaigne, puis à Louis-le-Grand. Bachelier à seize ans, licencié en philosophie à dix-huit, il soutient son diplôme d’études supérieures sur Nietzsche en 1923. Membre de la SFIO, il rejoint, après le congrès de Tours de 1920, le parti communiste. Il se marie en 1926 avec Marie Veyrun, de deux ans son aînée. Il participe à plusieurs journaux et revues, tant politiques que littéraires. Proche de Boris Souvarine dont il partage les idées antistaliniennes, il quitte le parti communiste en 1929, mais continue à militer activement au sein de la CGT. Il enseigne pendant trois ans à Bar-sur-Aube, puis une année à Colmar, avant de rejoindre, à la rentrée 1938, le lycée de Montluçon où il est professeur de philosophie. Sa femme est institutrice ; elle est nommée à l’école maternelle du groupe Emile Zola. Le couple, qui a quatre filles, est logé dans un appartement de l’école de garçons, rue Viviani. Pierre Kaan prépare une thèse sur la philosophie de l’Histoire, mais s’intéresse également à la politique internationale, il entame une réflexion sur le totalitarisme, voyage en Catalogne en 1936, et rédige un mémoire sur les moyens de séparer l’Italie de l’Allemagne.

Réformé pour cause de myopie, Pierre Kaan formule au cours de la guerre trois demandes d’engagement, toutes repoussées. Dès juin 1940, il répand, dans les rues de Montluçon, des papillons contre Hitler et la défaite. Dans les derniers jours du mois, il cherche une filière pour partir en Angleterre et de se battre pour la France Libre ; il part à bicyclette vers Toulouse, sans succès. Il revient alors à Montluçon et diffuse d’autres tracts pendant l’été. Lors de la rentrée scolaire 1940, il affirme à ses élèves que « pour que vienne la Libération, il convient que face à l’envahisseur, nous gardions conscience de la grandeur de notre nation, des valeurs universelles qu’elle symbolise et que nous devons maintenir intactes ». La promulgation du second statut des juifs du 2 juin 1941 est pour lui une nouvelle occasion d’affirmer ses valeurs ; il refuse de présenter aux autorités son certificat de baptême, ce qui lui vaut de perdre son poste au lycée de Montluçon.

En 1941-1942, il reste auprès de son épouse et de ses enfants rue Viviani, mais multiplie les contacts. Il contribue à organiser Libération-Sud dans l’Allier, entre en relation avec le mouvement Franc-tireur (grâce à son ami d’enfance Georges Altman) et avec des militants du journal Combat. Il rencontre Jean Moulin pour la première fois en février 1942. Vers avril 1942, il prend la tête d’un service de renseignements, le réseau Cohors-Asturies, dont va faire partie aussi son frère André (1) qui revient d’Allemagne en décembre. Chargé du repérage des terrains d’aviation, Pierre Kaan prend part à la réception des premiers parachutages dans le Cher et l’Allier. Il est un des organisateurs de la manifestation du 6 janvier 1943 contre la réquisition forcée. Repéré alors par les renseignements généraux, « Prof » échappe de peu à l’arrestation et entre dans la clandestinité. Après avoir été hébergé par la famille Dutheil, à La Vierne, dans la commune de Saint-Sauvier, Pierre Kaan rejoint Jean Moulin à Lyon, puis à Paris ; il contribue à la coordination des actions de la Résistance intérieure et à sa liaison avec la France Combattante. Il porte les pseudonymes successifs de Dupin, Biran, Brûlard. Après l’arrestation de Jean Moulin du 21 juin 1943, il pense s’orienter vers la Résistance militaire. Pendant l’été 1943, sa famille doit entrer elle aussi dans la clandestinité.

A l’automne, il est impératif de remettre la Résistance sur pied. Pierre Kaan est secrétaire lors de la réunion du Comité militaire de la zone Nord qui se tient le 27 octobre sous la présidence du colonel Touny. C’est à cette occasion que Yeo-Thomas, Shelley, qui assure la liaison entre le SOE et le BCRA, fait sa rencontre pour la première fois.

Le livre de Bruce Marshall écrit d’après les souvenirs de Forest Frederick Edward Yeo-Thomas (1902-1964) comporte de nombreux passages sur Pierre Kaan.

Pierre Kaan est arrêté par la Gestapo, le 29 décembre 1943, au carrefour de Port Royal et de l’avenue de l’Observatoire. Ses parents, arrêtés quelques jours plus tard, meurent en déportation.  Après avoir été torturé rue des Saussaies à Paris, Pierre Kaan est transféré à Fresnes, puis à Compiègne. Déporté, il arrive à Auschwitz le 30 avril 1944, matricule 185 806 ; deux semaines plus tard, il part pour Buchenwald, matricule 52 920. Il est transféré ensuite au camp annexe de Wille, à Gleina, une localité située à une cinquantaine de km au sud-ouest de Leipzig. Il fait fonction d’officier d’état civil du camp d’après Yeo-Thomas qui le retrouve, en novembre 1944, dans ce camp qui sert de revier, d’hôpital, à celui de Rehmsdorf. Début 1945, le revier est transféré de Gleina à Rehmsdorf où les conditions de vie sont épouvantables. Au printemps, les bombardements alliés n’arrangent rien. Le 13 avril, ordre est donné d’évacuer le camp. Le 14 avril, les détenus doivent monter dans des wagons-plateforme. Ils meurent de faim et de froid. Dans une tentative d’évasion, réussie pour Yeo-Thomas, Pierre Kaan est repris alors qu’il erre dans les bois. Yeo-Thomas va apprendre par la suite que Pierre Kaan est mort de l’ulcère qu’il avait à la jambe. De fait, son compagnon a été libéré le 8 mai 1945, mais, très affaibli il meurt dix jours plus tard à l’hôpital de Budejovice (République tchèque).
Pierre Kaan reçoit la Légion d’honneur à titre posthume en 1946. Il est homologué au grade de lieutenant-colonel en 1948.
Une plaque porte son nom dans la cour du Lycée Jules Ferry de Montluçon (aujourd’hui Collège Jules Ferry) depuis 1947 (photo 1).

Montluçon rappelle les actions de Pierre Kaan au sein de la Résistance par une autre plaque, apposée en 1982 sur le mur de la maison où il a vécu avec sa famille, au 21 rue Viviani (photo 3). Entre les rues Viviani, Mazagran et Emile Zola, une place porte dès lors le nom de Pierre Kaan.

Sitographie et bibliographie : Service historique de la Défense, vu le 04 /01/2022 ; https ://maitron.fr/spip.php?article114733, notice KAAN Pierre par Jean-Louis Panné, version mise en ligne le 24/11/2010, dernière modification le 17/12/2021, vu le 14/09/2022 ; AFMD de l’Allier, vu le 8/01/2022 ; Pierre KAAN soldat de l’ombre · Milguerres (unblog.fr), vu le 14/09 /2022 ; Alias Caracalla de Daniel Cordier, Gallimard, 2009 ; Montluçon 6 janvier 1943 de l’Association bourbonnaise des Amis du Musée de la Résistance Nationale, 2014 ; Montluçon 1940-1944 : la mémoire retrouvée d’André Touret, Éditions Créer, Nonette, 2001 ; Entre Berry et Bourbonnais, Saint-Sauvier de Nicole Pierre-Poulet, André Poulet et Sylvie Schwaab, décembre 2019 ; Le lapin blanc de Bruce Marshall, Gallimard, 1953, p. 93, 300-303,307-308,320-324.

(1) : André Kaan est lui aussi professeur de philosophie. Mobilisé à la déclaration de la guerre, il est fait prisonnier le 26 juin 1940. Interné au Stalag XII A (matricule 41869), il est rapatrié sanitaire le 22 décembre 1942. Déporté le 17 août 1944 (en fait le convoi n° I.265 ne part que le 18 de Compiègne-Rethondes), il arrive à Buchenwald le 21 août, matricule 81467.
Albert Chambon, un diplomate résistant, matricule 81490, fait partie du même convoi. C’est au camp annexe de Witten-Annen dans la Ruhr, que Chambon fait la connaissance de Kahn, « un jeune professeur de philosophie » .
A la date du 15 décembre, il note à son sujet : « Condamné à recevoir vingt-cinq coups de schlague, il s’est relevé en regardant le S.S. avec un tel air de méprisante moquerie que ce dernier, plein de fureur, s’est jeté à nouveau sur lui et lui a infligé vingt-cinq coups de schlague supplémentaires. Il n’a pu tirer de lui la moindre plainte. Tranquillement, le regard lointain, notre camarade, le corps douloureux, a regagné sa machine ». Il s’agit certainement d’André Kaan. (81 490 d’Albert Chambon, Editions de Paris, 1961.)
André Kaan, comme Albert Chambon, est revenu de déportation.

La carrière des Grises

18 août 2022
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Article rédigé par Suzel Crouzet

(Musée Résistance, Montluçon)

les 42 otages fusillés du 14 août 1944

Photos Musée de la Résistance à Montluçon

Après le débarquement allié du 6 juin 1944, les Allemands sont obligés d’acheminer des troupes en Normandie. Il leur faut donc garder le contrôle des grands axes de circulation, et cela en dépit des opérations de guérilla des maquisards. En août, leur situation devient plus difficile encore et, avec l’aide des miliciens et autres collaborationnistes, ils multiplient les exécutions sommaires et les massacres. Le Bourbonnais n’est pas épargné. Les tensions s’accroissent entre l’occupant et la population montluçonnaise exaspérée par les représailles et les exactions.
Le 12 août, un convoi allemand de ravitaillement d’essence, escorté par des éléments de la 13ème compagnie du 192ème régiment de Sécurité(1), est attaqué à l’est de Montluçon par le corps franc Bonnet-Large des MUR ; il subit de lourdes pertes. Les Allemands décident de se venger. La déposition du caporal allemand Peter Borg ne laisse aucun doute sur le sujet : « Pendant l’escarmouche nous avons eu quinze morts et deux disparus […] Alois Schleicher, à l’époque sergent, chargé des Services de notre compagnie, avait demandé à la Gestapo qu’on lui remette les 40 civils français pour les faire fusiller en représailles de l’attaque du convoi ». Le témoignage de Madame Binet, emprisonnée en août 1944 à la caserne Richemont de Montluçon, confirme les chiffres énoncés par Borg. Elle affirme avoir vu entre quinze et dix-huit cercueils à l’intérieur de la caserne ; parmi les morts, un officier, ce qui expliquerait le désir de vengeance des Allemands qui obtiennent du chef de la Gestapo, en fait de la Sipo-SD(2) de Montluçon, l’autorisation de fusiller des otages.

Le 14 août 1944, vers 5 heures et quart du matin, ce ne sont pas quarante mais quarante-deux hommes, qui doivent quitter, à bord d’un camion découvert, la caserne Richemont. Une voiture légère ouvre le convoi que ferment  deux  camions chargés de soldats allemands. Une panne survient. Le convoi s’arrête devant le café Joseph, à quelques pas de l’étang de Sault. Madame Joseph, alertée par le bruit des véhicules, fait mine de balayer afin de pouvoir échanger avec les prisonniers ; ils lui disent qu’ils vont construire le mur de l’Atlantique et ne semblent pas trop inquiets. Louis Binet, un des otages, confie, cependant, à un cycliste qu’il ne connaît pas leur destination. La panne réparée, les véhicules repartent. A trois kilomètres du village de Quinssaines, le convoi tourne à gauche en direction de la carrière des Grises, un lieu isolé de la commune de Prémilhat. Les Allemands connaissent bien l’endroit : ils viennent s’entraîner à proximité, sur le terrain du Méry. La Sipo-SD a même déjà utilisé la carrière pour cacher un de ses crimes ; deux mois avant, elle y a enfoui le corps de Paul Weill (3), un réfugié alsacien de confession juive. Dès le 12 août, la décision est prise par les autorités allemandes de faire payer à la population les pertes qu’ils ont subies et d’utiliser la carrière à plus grande échelle. Une fosse de sept mètres de long sur deux mètres cinquante de large et d’une profondeur de quatre-vingts centimètre est creusée à la grenade ;  les explosions sont entendues jusqu’à Montluçon. Tout est prêt au matin du 14 août. Les Allemands peuvent commencer leur sinistre besogne. Ils mènent les otages au bord de la fosse en cinq groupes successifs pour les fusiller. Un voisin de la carrière, Henri Picandet, entend les premiers cris vers 6 h 20. A sept heures, tout est fini.

Le voisin prévient les autorités. Le sous-préfet, Georges Féa, se renseigne auprès de l’État-major allemand et du chef de la Sipo-SD. Il obtient l’autorisation d’exhumer les corps, ce qui est fait le jour même grâce aux volontaires qui se présentent. Le lendemain, les victimes sont identifiées, avant d’être enterrées au cimetière de Prémilhat dans une fosse commune. L’identification est difficile. Beaucoup de fusillés portent, en effet, des traces de torture, comme Jean Mathé, capturé début août et membre important de la résistance montluçonnaise. Si certains fusillés ont été pris le 7 août lors d’une opération de ratissage dans le Puy-de-Dôme(4) ou transférés de la Creuse(5) , la plupart d’entre eux viennent de l’Allier, qu’ils soient Bourbonnais de fraîche date, ou natifs de la région de Montluçon(6).

André Durand et Jean Mazaud, nés respectivement en 1920 et 1921, à Boussac et Saint-Setiers, sont des cas un peu à part ; les circonstances de leur arrestation sont inconnues.
Beaucoup des otages étaient engagés dans la Résistance de façon très active. Jean Mathé, membre important de la résistance montluçonnaise, a été arrêté alors qu’il revenait d’une opération qui s’était déroulée à Saint-Sauvier. Roger Besson, instituteur à l’école Balzac de Montluçon, appartenait aux MUR. Claude Gabay avait participé à plusieurs actions de résistance dans la région parisienne avant d’être capturé alors qu’il cherchait à rejoindre le maquis. Jean Lafontaine et Roger Tantôt appartenaient au camp FTPF Jean-Drouillat. Antonio Sericola au camp 14 juillet ; Raymond Degasne et Jean Kubiak au Camp Jean Chauvet. Les cheminots ont joué un rôle important dans la résistance bourbonnaise et plusieurs d’entre eux comptent au nombre des victimes, Auguste Château, René Damour, Auguste Saviot, Georges Servant. Si certains otages ont été capturés par les Allemands, lors de diverses opérations de représailles, certains ont été dénoncés. Il n’est pas exclu que les problèmes de ravitaillement aient provoqué une certaine forme de jalousie à l’égard de certains commerçants montluçonnais. Le père, le fils et le gendre de la famille Binet Micheau travaillaient pour la confiserie familiale du Bélier, située 4 rue boulevard Carnot à Montluçon. Jean Mathé gérait la Ruche montluçonnaise, une coopérative de consommation, qui tenait plusieurs magasins, à Montluçon et Domérat. Albert Chirol tenait le Café National, situé rue de la République à Montluçon.

Si les victimes de la carrière des Grises n’ont pas été condamnées à mort par un tribunal, elles ne peuvent, cependant, pas être considérées comme des « massacrés ». Leur mort est le résultat d’une politique pensée : emprisonnées plusieurs jours avant d’être exécutées, elles ont été transportées en camion jusqu’à la carrière où elles ont été fusillées de façon collective. Elles appartiennent donc à la catégorie spécifique de ceux qu’on appelle les otages fusillés en 1944.
Après l’exécution des otages, les Allemands ne peuvent plus se rendre, ils doivent tenir coûte que coûte leurs positions face aux FFI, ce qui explique, non seulement la durée des combats lors de la libération de la ville du 20 au 25 août 1944, mais aussi leur violence, en particulier autour de la caserne Richemont où les occupants sont retranchés.
Une cérémonie à la mémoire des quarante-deux otages fusillés est organisée dès le 17 septembre 1944 à l’Hôtel de Ville de Montluçon. Une stèle est dressée sur le lieu des exécutions. Elle porte les noms de trente-neuf fusillés du 14 août 1944 et celui de Paul Weill assassiné deux mois auparavant. Il manque donc trois noms. Celui de Julien Gallois, qui n’avait pas été formellement identifié en 1944, n’a été ajouté qu’en 2019. René De Poorter n’a été reconnu comme l’une des quarante-deux victimes qu’en 1950 et son nom manque toujours. Un des fusillés est toujours inconnu actuellement.

Une rue de Montluçon, située près du lycée Paul Constans, porte le nom du 14 août 1944 (précédemment appelée rue des 42 fusillés).

La rue Damour-Saviot porte le nom de deux des victimes.

Elle se trouve non loin de la rue Binet Micheau dans le faubourg St Pierre.

L’avenue des Martyrs qui sépare Prémilhat de Domérat mène à la carrière des Grises.

Domérat garde le souvenir de Jean Mathé. Une rue porte son nom et une stèle y a été érigée en son honneur.

Stèle Jean Mathé à Domérat

(photographies Musée de la Résistance à Montluçon, 2022)

La découverte des corps
(Archives du Musée de la Résistance à Montluçon)


Notes :

[1] Les Sicherungstruppen étaient rattachées à la Wehrmacht ; elles étaient chargées du maintien de l’ordre, de la protection des lignes de communication et de la garde d’ouvrages dans les territoires occupés.

[2] Sicherheistpolizei-Sicherheitsdienst (Sipo-SD) : Réunion de la Sipo, organisme d’État regroupant la Gestapo et la police criminelle, et du SD, service de renseignement de la SS. Lors des opérations menées contre les résistants, chaque compagnie de la Wehrmacht était accompagnée par un agent de la Sipo-SD à qui incombait la responsabilité des exécutions et des actions de représailles. Après le débarquement de Normandie, c’est au commandement militaire de prendre la décision d’incendier les bâtiments et d’exécuter les résistants capturés les armes à la main, tandis que la Sipo-SD prenait en charge les civils suspects et les prisonniers.

[3] Paul Weill est né en 1884 à Sainte-Marie-aux-Mines. Arrêté rue Barathon en mai 1944 par la Sipo-SD et torturé, il est finalement étranglé par ses bourreaux mi-juin. Son corps est découvert aux Grises le 29 juin 1944 par un habitant du hameau voisin.

[4] Charles Joseph (né en 1922, à Moulins, Allier) ; Chartrier (ou Schartrier) Georges (1925, Cusset, Allier) ; Degasne Raymond (1920,  Vire) ; Kubiak Jean (1909, Allemagne) ; Meunier Eugène (1900, Saint-Eloy-les Mines, Puy-de-Dôme) .

[5] Auchatraire Charles (né en 1910,  La Chapelle-Baloue, Creuse) ; Boussardon Emile Auguste (1911, La ChapelleBaloue) ; De Poorter René (1918, Dreux, Eure-et-Loir) ; Ducouret André (1895, Saint-Sébastien, Creuse) ; Gallois Julien (1920, Valenciennes, Nord) ; Gaulons Roland (ou Jean) (1925, Saint-Dizier, Haute-Marne) : Giraud Albert (1882, Lavaveix-les-Mines, Creuse) ; Harand Roland (1919, Caen, Calvados) ; Lachassagne Charles (1925, Fresselines, Creuse) ; Monteil Aimé (1899, Chénérailles, Creuse) ; Riquier Roger (1925, Aubusson, Creuse) ; Romanoeuff (ou Romanoff) Pierre (1922, Paris, XIIIe arr.) ; Sauvat François (1919, Aubusson).

[6] Audinat Jean-Louis (né en 1900, à Doyet, Allier) ; Besson Roger (1906, Bredons, Cantal) ; Binet Louis (1902, Saint-Désiré, Allier) ; Binet Pierre (1887, Domérat, Allier) ; Château Auguste (1914, Fromental, Haute-Vienne) ; Chirol Albert (1889, Montluçon, Allier) ; Damour René (1906, Montluçon) ; Philippe Drouilly (1905, Paris, XXe arr.) ; Dumas Paul (1907, Cheylade, Cantal) ; Gabay Claude (1924, Paris, VIIIe arr.) ; Lafontaine Jean (1924, Paris, VIe arr.) ; Lamoureux André (1910, Montluçon) ; Mathé Jean (1905, Domérat) ; Micheau Jehan (1907, Epineuil-leFleuriel, Cher) ; Parraud Armand (1904, Châteldon, Puy-de-Dôme) ; Renaud Marcel (1907, Paris) ;  Saviot Auguste (1906, Désertines, Allier) ; Sericola Antonio (1924, Castel-Del-Monte, Italie) ; Servant Georges (1903, Montluçon) ; Tantôt Roger (1924, Espinasse-Vozelle, Allier) ; Thébaut Jean (1924, Paris, XIVe arr.) .


SOURCES : Armand Gourbeix et Louis Micheau, Montluçon sous la botte allemande, Imprimerie du Centre, Montluçon, 1945 ; Suzanne et Jean Bidault, cassette audio du 25 août 1983, témoignages des familles de fusillés, Musée de la Résistance de Montluçon ; Montluçon notre ville, n° 214, juillet 1994 ; André Touret, Montluçon 1940-1944 : la mémoire retrouvée, Editions Créer, Nonette, 2001  ; Jean-Pierre Besse et Thomas Pouty, Les fusillés, Répression et exécutions pendant l’Occupation (1940-1944), Les Editions de l’Atelier, Paris,2006 ; https://maitron.fr/spip.php?article178762, notice Prémilhat (Allier), Carrière des Grises, 14 août 1944 par Michel Thébault, version mise en ligne le 26 février 2016, dernière modification le 30 juillet 2022 ;Die Sipo-SD | Chemins de mémoire (defense.gouv.fr), vu le 14 août 2022 ; les 42 fusillés de la Carrière des Grises – Histoire et Généalogie (overblog.com) ; Registre de l’État civil de Prémilhat, année 1944, du numéro 17 à 59, partie décès ;  Archives du Musée de la Résistance à Montluçon.